Pour ce petit test, j’ai résolu de causer un peu de Thunder Cross II, un shmup Konami qui m’aura marqué, mais marqué d’une assez étrange façon…
Shoot them up classique mais avec une bonne dose de tape à l’oeil, Thunder Cross II est resté ancré dans ma mémoire comme le jeu indissociable même du vaste concept de shoot them up arcade. Pourquoi ? Tout simplement car j’ai accroché à ce jeu sans même savoir de quoi il retournait. Lors de mes premières incursions en salle d’arcade, je n’étais alors qu’un mouflet acnéique et mal fini (certains objecteront que c’est toujours le cas, à juste raison peut-être), j’étais tout excité de m’immiscer dans ce monde de jeux pour « grands » et déjà j’avais l’impression de transgresser un interdit, un panneau laborieusement calligraphié indiquait à l’entrée du lieu « strictement interdit aux moins de 18 ans ».
En gros à cette époque, il me manquait encore quatre années pour avoir le droit de tenter l’expérience. Mais bon, l’interdit et la légalité, il est des fois où il faut savoir se torcher avec ! Et avec le recul, qu’une salle d’arcade subisse une limite d’âge comme si elle diffusait des films mettant en scènes des personnes nues s’adonnant au stupre et aux plaisirs défendus. Quelle connerie n’est-il pas ? Et quand un règlement est aussi con, c’est du devoir de chacun d’y contrevenir, non ?
A cette époque, je ne connaissais pas grand chose du monde du shoot them up, sauf un vague contact avec R-Type et mes deux sésames sur Super Nintendo : Super Aleste et Axelay. En fait, c’est l’émulsion entre ces deux titres qui m’a fait accrocher à Thunder Cross II, et je m’en explique.
Le shoot de Compile, avec sa large sélection de tirs et leurs divers niveaux de puissance, m’avait familiarisé avec les techniques de maîtrise d’armement qui sont désormais pour moi une des institutions du monde du shmup. Quant à Axelay, ben le seul rapprochement que j’ai fait à l’époque était : Presented by Konami ! De plus l’intro d’Axelay avec son vaisseau qui part en guerre m’avait assez marqué.
Et bien en arrivant en salle, j’ai remarqué dans un coin (à coté d’une borne d’un certain Raiden) un jeu présentant deux vaisseaux qui arrivaient à tombeau ouvert et au moment où ils nous arrivaient en pleine gueule, le titre s’affiche dans un bel ensemble flashy : THUNDER CROSS II ! Bref, voir du vaisseau arriver ainsi m’en a mis plein la gueule sans même que j’aie vu l’attract du jeu ! Et voilà comment je balançai ma première pièce de dix francs dans la fente.
Et l’enchantement fut réel, diamétralement opposé à mes maigres capacités de shooteux de l’époque ! J’assiste donc au départ de mon engin qui accélère de plus en plus… Je me souviens avoir clairement pensé que j’assistais à une démo qui était le pendant horizontal de celle d’Axelay et hop, me voilà lancé dans le vif du sujet.
Une claque ! Des graphismes super classe pour un premier niveau au dessus des flots et surtout, un avion qui répond au doigt et à l’œil, même si un peu lent. Mais aussitôt l’apparition d’un speed-up me rassura, j’ignorais à l’époque que ces speed-up étaient également très répandus dans le genre (faut dire que j’ai connu Gradius sur le tard en 1995 alors que j’avais disséqué Parodius en version SNES dès 1993, jouer à la parodie avant même de tâter de l’original, c’est-y pas beau ça ?). Et en voyant ces armes diverses et variées, j’ai eu la très agréable sensation de retrouver une caractéristique de Super Aleste dans un shmup horizontal…
Mais ce qui m’avait vraiment marqué le plus était la scénarisation du stage. En effet, les ennemis viennent tous d’un point précis et on les voit arriver de loin ! J’avais l’impression d’assister à un vrai film. Et voir votre armement gonfler de plus en plus me donnait une véritable impression d’invulnérabilité (impression qui n’allait pas tarder à se révéler fausse, hein).
Outre des graphismes très nets, la bande sonore avait également bénéficié d’un traitement particulier, même si elle demeurait difficilement audible dans le brouhaha ambiant fait d’explosions et de digits « Hadouken ! » , et le tout tout au long des 7 niveaux que constituent le jeu. Des stages d’ailleurs tous superbes et magnifiquement scénarisés.
Dès le stage 2, le joueur est confronté à un choix dans le chemin à emprunter. Le stage 3 est une mission d’invasion d’une base spatiale ennemie extrêmement bien amenée : après avoir passé des robots gardiens attaquant depuis un second plan à l’écran, on doit soi-même détruire la porte qui vous livrera le passage. Et qui se transforme en un canon laser afin d’opposer une résistance ultime ! Puis s’enchaîne un stage 4 qui reposera tout entier sur la maîtrise des déplacements, le stage suivant mélangeant allègrement phases verticales et horizontales. Même si les 2 derniers stages sont un peu plus conventionnels, ils n’en demeurent pas moins d’intenses moments toujours reliés entre eux par ce fil directeur si subtilement suggéré.
Qu’avons-nous là ? Des graphismes qui claquent, une bande son léchée (une habitude chez Konami, ceux qui se sont frottés à Axelay ne peuvent que l’admettre ou alors c’est des vilains méchants), mais surtout, pour mon malheur d’abord, mon bonheur ensuite, des boss absolument mémorables, servis par un thème pas vraiment festif (!) et dont la plupart se payaient le luxe d’offrir deux moutures. Deux d’entre eux m’ont laissé une souvenance teinté de ce délicieux masochisme dont sont finalement atteints les joueurs assidus de shmup : l’infâme structure du stage 3 qui prend bien le temps que vous cloisonner avant d’attaquer avec force lasers et missiles, et l’espèce de Gecko du stage 4, dont la langue de feu aura envoyé pas mal de mes vaisseaux à la casse.
Mais j’ai gardé le meilleur pour la fin ! Thunder Cross II au départ, n’était qu’un exercice de survie plus ou moins laborieux (plus au début, moins à la fin), mais j’ai également découvert son sens de la démesure et son ingéniosité. Pourquoi démesure ? Et bien, une fois votre arsenal à son maximum, il est encore possible d’obtenir un niveau de force de frappe supplémentaire ! Vos options se changent alors en canons gigantesque balançant un super tir en nombre limité, super tir variable selon l’arme utilisée ! À ce propos, j’ai toujours eu une faiblesse pour le tir boomerang et le laser direct comme je suis gentil je vous donne ma technique.
Et pour l’ingéniosité, il est également possible de concentrer ou au contraire d’espacer ses modules autour du vaisseau ! En les concentrant au maximum quand ils sont à leur puissance ultime avec une bonne arme directe comme le laser, je vous garantis que même un boss auparavant bien chiant et résistant finit rapidement à l’état de carpette. D’ailleurs ce système de gestion de l’espacement des modules a été récemment repris dans l’auréolé Gradius V. Et oui, Gradius V ! Il y a donc du Thunder Cross II dans Gradius V !
Ce qui au final nous donne un très bon exercice de tir horizontal, impeccablement scénarisé et réalisé, avec de ces petites subtilité de gameplay qui font les grands shoots ! Thunder Cross II fut ce titre qui m’a motivé à vouloir approfondir le shmup arcade, moi qui étais venu au genre par le shmup console…Et même si aujourd’hui un certain shoot de Psikyo a supplanté dans mon esprit tous les autres shoots arcade, Thunder Cross II aura pour lui d’avoir été le premier shoot sur borne à m’avoir poussé à le pratiquer jusqu’au one credit clear. Et ça, aucun autre ne pourra lui enlever !
Finissons sur une anecdote amusante. Un jour je glisse cinq francs dans la borne et j’achève mon run par un 1CC jusqu’au 5ème niveau de la seconde boucle. Allez savoir pourquoi, quand je jouais à Thunder Cross II ou à Raiden, il y avait toujours un demi-cercle qui se formait autour de la borne (et oui, le petit branleur de 16 ans qui assure là où d’autres se font massacrer !). Je passe donc sur la borne de Super Street Fighter II latter du Bison avec mon Ken adoré. Quelques minutes après, un autre ado de type « nique ta mère la Mecque le Coran zyva bouffon de tes morts » vient me taper sur l’épaule et m’aboie dessus : « oh putain, connard, à cause de toi j’ai cru que ton jeu de ses morts était tranquille, j’ai perdu 35 balles, t’as intérêt à me rendre mes lovées batârd ! ».
Résultat : j’ai perdu à Street Fighter II devant Balrog (à l’époque ne pas finir ce jeu ça me cassait les couilles, car j’y arrivais 9 fois sur 10 avec Ken), mais ce petit guignol et qui en plus était une merde à Thunder Cross II donc, a eu l’insigne honneur et privilège de ramasser ce qui est à ce jour le premier coup de latte dans les roupettes que j’aie jamais distribué. Faut dire que ses claques à répétition sur mon dos innocent m’avaient sacrément foutu les glandes, ou plutôt « le démon » comme on disait dans notre jargon de l’époque.
Merci et à bientôt !