An de grâce 1992, la Super Nintendo qui vient de faire son entrée dans le paysage vidéoludique français connaît un essor pleinement justifié, notamment grâce à une stratégie exploitant à fond les nouvelles capacités de la bécane, qui étaient auparavant jamais vues dans le monde du jeu vidéo. Des titres comme F-Zero commencent à décoller la rétine des joueurs. C’est dans cette période empreinte de magie mais hélas révolue que sont apparus ces titres aujourd’hui devenus légendaires. Et parmi eux, se trouvait un shoot them up made in Konami, sobrement intitulé : Axelay.
Les débuts de la 16 bits de Nintendo dans l’univers du shmup n’étaient pourtant pas flatteurs, le support n’étant pas alors maîtrisé au point de fournir aux joueurs un titre adapté aux capacités de gestion de la console. Aujourd’hui, deux titres du genre sont devenus les emblèmes du shmup sur Super Nintendo tout d’abord Super Aleste de Compile qui déjà s’offrait le luxe d’une débauche d’effets spéciaux et surtout d’une gestion optimale des nombreux sprites présents, puis le grand Axelay dont il sera question ici.
Sorti tout d’abord sur Super Famicom et arrivé en version PAL presque un an plus tard, Axelay est plus qu’un shoot them up. C’est un drame épique, une épopée haletante dont vous êtes le héros. Après le rite de l’insertion de la cartouche dans la console prévue à cet effet et la mise sous tension de celle-ci, le joueur sera également mis sous tension. Après l’apparition du logo Konami bercé du fameux jingle sonore (une vraie mélodie et gage de qualité, audible dans de nombreux jeux de cette époque sur SNES tels que Contra III The Alien Wars, Super Castlevania IV ou encore Turtles in Time, tous excellents au demeurant), le futur pilote est d’emblée confronté à ce qui sera son tourment : la perte de tous ceux qui lui étaient chers.
La démo de début s’ouvre sur le seul souvenir qu’il vous reste de votre famille : une photo dans un pendentif en or. Puis on assiste à un tragique flash back montrant tout d’abord l’invasion de votre monde par une armada ennemie hostile qui ferait passer les vaisseaux d’Independance Day pour une plaisanterie au moins aussi risible que ce film était consternant. Et, ultime gradation dans l’horreur, votre planète sombre dans le chaos, et c’est après avoir assisté en live à la fin de votre monde que l’histoire se révèle. A ce point de désespoir s’ajoute la description chaotique qui résume la lutte menée en vain contre cet envahisseur inconnu et surpuissant, puis le pilote referme le pendentif ultime relique de sa famille perdue… Et on rentre dans le vif du sujet : n’ayant plus rien à perdre et prêt à se sacrifier au combat, votre héros intègre le dernier vaisseau défensif encore en état de voler après l’intense pilonnage alien et l’intro s’achève avec le lancement de l’engin vers son destin.
Cette intro a deux mérites indéniables : en premier lieu, elle fait assister le joueur à la fin de son monde, à l’apocalypse même. Là où le but de multiples shoot them up est bien évidemment de sauver la planète, rarissimes sont ceux qui vous font vivre la destruction de votre univers. Ce qui dans le cas de Axelay engendre dès le début une surcharge émotionnelle intense, vous êtes désormais la seule riposte à la fin du monde, vous avez tout perdu mais au lieu d’abandonner, vous puiserez dans votre peine la force nécessaire à votre croisade. Et peut-être vous reste-t-il encore quelque chose à sauver. En second lieu, la bande sonore, un des éléments fondamentaux du jeu en question, baigne à merveille le déroulement tragique de cette poignante ouverture du jeu. Lors du départ de votre engin, elle reprend comme pour vous annoncer un triomphe tant espéré et le joueur ainsi galvanisé va pouvoir livrer bataille.
Il est évident qu’on ne peut parler de Axelay sans vanter ses extraordinaires prouesse techniques, essentiellement par son utilisation déconcertante du mode 7 de la Super Nintendo. Cependant, on tâchera de dépasser cet aspect certes très important du jeu pour s’attacher à ce postulat : plus que n’importe quel autre, Axelay conditionne totalement son joueur au rythme de ses 6 niveaux, périple enchanteur et onirique vers la liberté ou la mort. De plus, On tient là un jeu qui déjà bousculait quelque peu les codes du shooter classique en vigueur à cette époque.
Lointain héritage de Gradius, la possibilité de modifier vos armes est présente dans Axelay, un des premiers jeux de la discipline ludique a présenter un aspect « progressivité » dans l’arsenal. Au début de chaque stage, vous devrez choir 3 tirs afin d’équiper votre vaisseau. Exit donc les bonus usuels , exit les power-up, ici, vous tenez les clés de votre armement dès le début. De plus, certains tirs plus puissants n’apparaissent que pour les niveaux les plus avancés, ajoutant une dimension « expérience » au gameplay, Axelay est un véritable RPG-shmup où vos efforts seront récompensés par l’acquisition de tirs toujours plus puissants. Autre nouveauté, la gestion de la vie est double : si un impact avec un projectile vous ampute de l’une de vos armes, toute collision avec un ennemi ou une paroi est immédiatement fatale. Axelay permet donc parfois de limiter la casse, ce qui, conjugué à la gestion d’armement, en fait un jeu hautement stratégique, il n’est pas rare de devoir changer son arme en cours de stage, histoire de faire face efficacement aux adversaires et aux lieux eux mêmes.
Les 6 niveaux qui composent le jeu suivent un fil directeur qui recoupe tous les grands poncifs du shoot them up suivant la trame héroïque du pilote désormais seul face à sa destinée. Le premier niveau se déroule sur ce qu’il reste de ciel de votre planète en proie au chaos et résonne comme un avertissement au joueur avec son effet « rouleau à pâtisserie » fort déroutant au début. Car tout le jeu est du même tonneau, une succession de séquences mémorables et de morceaux de bravoure éprouvants. Le deuxième stage est une station spatiale au travers de laquelle vous pouvez encore voir votre planète, comme si Axelay vous rappelait encore une fois que l’enjeu de votre mission est l’avenir de votre monde qui peut certes encore être sauvé !
Relent d’espoir qui se confirme dès le stage 3 où l’Axelay est de retour sur Illis (le nom de votre planète, au fait) au dessus d’une ville illuminée, preuve que tout n’est pas encore perdu et que plus vous progressez, plus votre lutte prend son sens. Les stages 4 et 5 sont deux bastions ennemis avant l’ultime confrontation.
Le stage 6 est une merveille de scénarisation qui conclut à merveille l’odyssée du vaisseau Axelay. Il démarre par une navigation serrée entre les vaisseaux ennemis, les mêmes vaisseaux que ceux que vous avez vus arriver lors de la poignante séquence d’intro. Puis démarre l’insidieuse descente aux enfers qui vous mènera au cœur même du complexe ennemi, avant de vous confronter à la source de tous les mots, le chef des ennemis, le leader de l’Annihilation j’ai nommé le sinistre Veinion.
Plus qu’un combat final, la lutte contre Veinion est un baroud homérique dans lequel les programmeurs ont investi des idées géniales. La confrontation démarre doucement par une séance de tir sur cible tandis que le boss tente de vous piéger entre deux météores rotatifs. Puis elle se poursuit par un effroyable cri d’hostilité poussé le grand méchant lui-même qui donne tout ce qu’il a avec une superposition d’attaques évolutives. Cette phase franchie, le boss devient carrément génial en scannant votre vaisseau afin de pouvoir le dupliquer à volonté et ainsi lui envoyer de nombreuses répliques en plein sur le fuselage ! Une fois cette rude partie achevée, l’ultime coup de théâtre attend le joueur. Sous la destruction du complexe alien, l’ultime résidu de ce boss lourdement armé tentera au cous d’une infernale course poursuite d’en finir avec vous en utilisant l’énergie du désespoir. Arrivé à ce niveau de la partie, accomplir pleinement votre destin de sauveur ne devrait pas poser de problème, mais attention, ce n’est pas le moment de relâcher son attention.
Mais au delà de sa dimension scénaristique, Axelay est un jeu immersif voire hypnotique, grâce à l’incroyable qualité de sa bande sonore qui joue allègrement avec les sensation du joueur, qui passera par tous les stades de l’excitation au fur et à mesure de sa quête guerrière. Lors du premier niveau, le joueur est immédiatement gratifié d’un thème grandiloquent et solennel, comme pour mieux faire ressentir l’aspect ultime de votre mission dont tout dépend…
Le second stage est bercé d’un des morceaux les plus célèbres de l’OST du jeu, le merveilleux Colony, qui démarre de façon oppressante pour repartir de manière majestueuse et se continuer sur une reprise triomphale comme destinée à motiver encore plus le joueur ! Une impression de fierté faite d’assurance et majesté se dégage de ce passage sonore qui aujourd’hui encore demeure l’une des BGM les plus emblématiques du jeu.
Lors de votre retour sur Illis, vous vibrerez au son de « Mother », morceau enchanteur sensé vous apaiser comme si le pilote se sentait rassuré de voir que toute sa planète n’a pas été détruite, mais ce morceau doucereux conjugué aux impératifs de navigation dans ce niveau en mode 7 pourrait bien vous piéger en vous faisant perdre votre vigilance… Séquence émotion certes, mais prudence tout de même !
Le stage 4 est une caverne gigantesque mené par un thème réellement doucereux et mélancolique destiné à vous faire ressentir votre impuissance face aux multiples processus de création hostiles qui se déroulent devant vous. Un effet d’écho littéralement surréaliste vient agrémenter le tout, accroissant l’impression de gigantisme des lieux. Si le thème du stage 5 bénéficie d’une rythmique intense et soutenue dénotant une bonne pression, le dernier niveau est un chef d’œuvre. Il ne comporte non pas un, mais quatre morceaux subtilement agencés qui orchestreront avec brio votre descente aux enfers vers le cœur de l’invasion alien.
Après un slalom hardi parmi les vaisseau originels (ceux là mêmes qu’on a pu observer lors de l’intro), le silence se fait, une envolée de basse annonce le début de la fin et vire au sinistre au fur et à mesure que se radicalisent les attaques des derniers défenseurs du chef alien, Veinion. Le boss final est là, et la musique devient menace ! Après avoir vaincu les clones de votre engin, le thème de victoire retentira. Mais ultime sursaut ! Ce thème se décline alors en un tonitruant morceau final au terme duquel vous pourrez savourer la thème final et ses nappes vaporeuses afin enfin de goûter un repos bien mérité. Ultime sursis d’émotion pour ceux qui auront bouclé l’aventure en mode hard : le héros refermera son pendentif, devant à présent accomplir le deuil de sa famille perdue. Le monde est sauvé, mais que reste-t-il à notre héros ? Le pendentif refermé inclut désormais l’image d’un monde à refaire, le plus dur n’était peut-être pas de triompher des envahisseurs, mais bel et bien d’arriver à vivre dans ce qu’ils ont laissé de ce monde. Monde pour lequel vous vous êtes si vaillamment battu et pour lequel il faudra vous battre encore sans pouvoir jamais triompher, car le mal est fait.
Officiellement, une suite devait voir le jour, mais cet Axelay 2 ne sortit jamais. Officiellement en raison des ventes moyennes du premier épisode. Mais il est désormais connu quelques un des concepteurs de Axelay ont quitté Konami pour rejoindre Treasure, studio à l’origine de shoot them up mémorables comme Radiant Silvergun et Ikaruga, qui, comme Axelay bien des années auparavant, transporteront le joueur au gré d’une odyssée épique et haletante. Outre la flagrante démonstration technique, Axelay aura posé les bases d’une caractéristique essentielle : le jeu émouvant, dont le joueur ne peut que sortir marqué dans sa chair et son être.
Préparez-vous à vivre une expérience aux limites du subliminal et de l’extra corporel, embarquez dans l’Axelay. Axelay c’est votre vie, c’est votre destinée !
Source captures d’écran : mobygames.com
Un de mes shoots préférés (Avec Layer Section). Il a tout pour lui: musique, graphisme, gameplay, univers, ni trop difficile, ni trop facile, charisme, simple à comprendre… Quel jeu! Tiens ça me donne envie d’y jouer!
Excellent test pour un jeu fabuleux !
Je m’y suis penché sérieusement dessus l’année dernière
Et quel bonheur !
Une de mes meilleures expériences en shmup !