Loin du spectre des productions japonaise, le shoot them up est avant tout un genre qui a fait les beaux jours des micro-ordinateurs en Europe marquant ainsi au fer rouge une génération de joueurs. Même joueurs qui décident plus tard de réaliser leur propre jeu fort de leur expérience passé à titiller leur Speedking, comme c’est le cas de l’équipe animant BGames, créateur de la série Lethal Judgement. C’est justement sur leur série de shoot them up que Trizeal a eu l’occasion de les interviewer afin d’en savoir un peu plus sur le parcours et les motivations de ses fans de euroshmup à l’ancienne.
Trizeal : Tout d’abord, pouvez-vous présenter votre équipe ?
Polux : Bien sur, l’équipe est donc composée de moi-même alias Polux (David Fourel), Yukin (Jean-Noel Frigiere) et Djes (Jesahel Benoist). Je m’occupe de toute la partie code/moteur, accessoirement je fais quelques musiques aussi et du graphisme 2D. Yukin, lui, gère la musique, la partie scénario (mais pas pour lethal bien sur) et certains graphismes. Quand à Djes, on lui doit toute la partie graphique 3D, les modélisations des ships, des effets (comme les explosions, les lasers, etc), bref la gueule du jeu!
Djes : Alors, il y a d’abord Polux, qui est un travailleur incroyable : non seulement il est capable de se dédoubler, mais il ne dort jamais, et a un système synaptique accéléré. Du coup il abat le boulot de quatre personnes à lui tout seul. En plus il ne commence jamais un projet sans le terminer, ce qui est vraiment appréciable. Ensuite il y a Yukin, qui est un personnage discret mais terriblement attachant. Il a une imagination incroyable, et sa présence et ses idées fantastiques vous donnent envie de vous dépasser. Il devrait bosser à Hollywood ! Ne demandez pas ce qu’il fait, il vous répond toujours rien. S’il ne se met pas en avant, ses musiques et ses graphs le font à sa place. Enfin, il y a moi, Djes, qui suit le mouvement.
Quels sont votre (vos) parcours de joueurs ?
Polux : Pour ma part j’ai débuté sur un Sinclair ZX Spectrum (ahhhh Knight Lore et Sabre Wulf) puis sur un Amstrad CPC pour lequel j’ai fait pas mal de démos. Ensuite je suis passé à l’Amiga sur lequel je me suis vraiment éclaté; autant en jouant (avec des perles comme Xenon 2, Apydia, Agony) qu’en programmant. J’ai eu une période consoles aussi, dominée par la PC Engine (Gunhed et Super Star Soldier sont mes jeux fétiches) et la Neo-Geo (Last Resort, ViewPoint, Blazing Star). J’ai toujours adoré les shoots qui vous font vous arracher les cheveux. Ceux ou il faut apprendre par cœur un niveau pour espérer vous en sortir comme Nemesis par exemple ou Salamander. Je suis assez fier d’avoir fini Viewpoint, réputé quasi impossible à finir à l’époque. Sinon j’aime bien aussi les trucs à la Commando ou Ghoul’s & Ghost.
Djes : Comme joueur, même si ça parait incroyable, j’ai commencé sur Pong, le vrai, l’arcade, tout gamin! J’ai aussi tâté de Pacman dans les cafés, et comme tous les enfants, de Donkey Kong et Mario à l’époque des cristaux liquides… Ensuite j’ai eu un TO7-70 et j’ai commencé à programmer à 9 ans, à l’époque on n’avait pas trop le choix. J’ai ensuite eu un PC et me suis éclaté avec Arkanoid, dont j’ai souhaité refaire un tribute il y a deux ans avec Purebreaker 3. J’ai aussi adoré Flight Simulator et Pirates! de Microsoft et Microprose respectivement. Je suis ensuite passé sur Amiga et j’ai découvert que l’arrogant prétentieux que j’étais ne connaissait rien. J’ai tout appris sur cette machine, qui donnait envie de créer. Niveau jeu, il y a en a trop, mais je citerai Battle Squadron, Unreal, Robocod, SWIV : de vrais jeux qui m’ont donné du plaisir pendant des jours entiers. Je suis retourné sur PC, à regret ; il y a eu Half-Life, Call of Duty, Day of Defeat, Soldier of Fortune. Actuellement, je ne joue presque plus : pas le temps, et en fait, j’ai l’impression de n’avoir rien à découvrir, il n’y a plus de surprise ; sauf dans le jeu en réseau, mais même là c’est trop encadré. J’ai aussi pas mal joué sur bornes d’arcade et console, indétrônables maintenant pour certains types de jeux.


Comment est né l’envie de développer des shoots et par quels moyens ?
Polux : Ben en fait j’ai commencé tout seul, en voulant imiter mes modèles… Et puis je dois dire que j’adorais l’idée de voir d’autres joueur s’amuser avec mes jeux. Ensuite j’ai rencontré Yukin, et ça a été l’explosion d’idées! On a alors démarré la série des Lethal Judgment sur PC avec moi au code et lui à la musique et aux graphismes; cela doit bien faire 6 ou 7 ans maintenant. Et puis chemin faisant on a rencontré un autre passionné, Djes, qui a fini par intégrer l’équipe. Ce n’est pas seulement un graphiste, c’est aussi un codeur de folie. On forme je pense une belle équipe!
Djes : J’ai suivi Polux et Yukin, qui sont convaincants. Et je peux vous dire qu’il y a encore de très belles choses dans nos paniers, et que niveau effets spéciaux, on est à 5% de ce qu’on peut faire!
Rentrons maintenant dans le vif du sujet : parlez nous de la série des Lethal Judgement ?
Polux : Ah ben mince, en fait j’en ai dit beaucoup juste au dessus . Le premier Lethal Judgment, qui n’a été distribué qu’en freeware, était un essai de ma part. Je voulais me lancer dans la programmation et quoi de mieux que de m’y essayer en faisant ce que j’aimais le plus: les shoots. J’ai donc demandé aux Bitmap Brothers (oui, ceux de Xenon 2 ) si je pouvais utiliser quelques uns de leurs graphs 2d qui traînaient sur internet et à Alister Brimble (le musicien de Team 17 sur Amiga) si je pouvais utiliser la musique de Project X. Ils ont dit oui, si c’est du freeware. Du coup, Lethal est né: un petit shoot rempli de nostalgie qui m’a permis de me faire la main.
Djes : La première fois que j’ai vu Lethal, je me suis dit : enfin un shoot qui ressemble à un shoot ! C’était FLUIDE (rare sur PC), il y en avait plein l’écran, ça en jetait des tonnes. Aujourd’hui, on essaye de se tenir à ça, et que ça soit jouable, avec un bon gameplay, une vraie difficulté, même si la console nous contraint à commencer doucement. Et surtout, on se fait plaisir. La création n’est pas une contrainte, mais un réel bonheur !

Par quels titres ces jeux ont-ils été influencés ?
Polux : Je dirais sans hésiter Project X, R-type et Nemesis (pour le côté hardcore). Un gros melting-pot de ce que j’aime par dessus tout en fait.
Djes : Tous les R-type évidemment, Z-Out, Projet-X, Battle Squadron et Nemesis.
Pourquoi avoir choisi de produire vos récents titres (Lethal Judgement HD, Lethal Judgement Origins et Packito) aussi sur le Xbox Live Indie Games ?
Polux : On a commencé sur le PC en fait. Les quatre premiers volets sont sortis sous Windows (plus une version Deluxe du 4) et à chaque fois, le commentaire qui revenait le plus était : « votre jeu serait parfait sur console ». Du coup, quand Microsoft a lancé XNA (ndlr : série d’outils gratuitement fournis par Microsoft facilitant les développements de jeux) et permis aux développeurs indépendants de faire quelque chose, on a dit Banco. Car il ne faut pas oublier qu’on ne dispose d’aucun budget. Tout est fait en plus de notre boulot habituel, le soir la nuit ou les week-end. Et puis c’est vrai qu’un shoot à la manette y a rien de tel ! Mais on oublie pas le PC pour autant (y a de très bonnes manettes d’ailleurs) et on porte systématiquement nos jeux dessus, avec XNA c’est assez simple.
Djes : Pol’ a tout dit.

Envisagez vous que vos prochains titres sortent sur d’autres supports ou dans vos rêves les plus fous en sortie boite : Dreamcast, Xbox 360 ?
Polux : La sortie boite, moi perso j’y crois pas du tout. On a clairement pas les moyens de rivaliser avec les productions énormes qui sortent aujourd’hui. J’avoue que j’aimerai bien porter Lethal Judgement Origins (en le simplifiant) sur iPad. J’ai pas mal d’idées pour ça, mais encore faudrait-il que je puisse investir dans un Mac.
Djes : Oui, ce serait bien sur d’autres supports, mais il nous faudrait d’autres moyens.
Avez-vous conscience de la difficulté de proposer des shoots à l’européenne pour des clients potentiels plus habitués aux productions nippones ?
Polux : Bien sûr ! Il suffit de voir les retours sur certains forums pour s’en rendre compte. Mais je pense qu’il y a un public. Moi par exemple, je préfère largement un Söldner-X 2 à un manic shooter qui va me remplir l’écran de boulettes. Après c’est une question de goût. Le fait de produire ces jeux par passion nous donne la possibilité, je pense, d’y croire quand même. Après l’idéal serait d’arriver à marier les deux. Peut-être qu’on y arrivera un jour. En tout cas, on n’arrêtera pas de tenter !
Djes : Il y a de très bonnes choses dans les productions nippones, et peut-être qu’un jour nous sortirons un shoot dont ils ne sauront pas qu’il vient d’Europe…
À propos de l’avenir vous annoncez que cette épisode clôturerait votre série quels seront donc vos projets futurs ?
Polux : Du shoot bien sûr ! Un shoot vertical appelé Hell Squadron et un Ikari Warriors like sont au programme. On a aussi plusieurs projets plus imposants, je laisserai Yukin vous en parler mieux que moi, l’inspiration venant principalement de lui. J’aimerai bien aussi concrétiser un truc que j’avais commencé il y a longtemps : un shoot them up construction kit. J’y réfléchis et j’ai peut-être une piste réalisable…
Djes : Des projets, on en a à la pelle. Mais comme nous voulons toujours finir ce que nous commençons, notre vie n’y suffira pas. Hell Squadron est notre prochain bébé, et pour l’instant, tout est encore possible…