I always wanted a thing called Tuna Sashimi !
C’est avec ces quelques mots que débute une nouvelle épopée, celle de ces Silver Hawks fonçant du fin fond de la voie lactée pour une nouvelle et périlleuse mission au sein de notre système planétaire. A huit ans, difficile de comprendre les mots qu’échangent les pilotes, j’agite le stick de façon fébrile, je tapote tant bien que mal les boutons afin de balayer toute cette poiscaille mécanique qui me barre la route. Le souffle haletant, il en vient une nouvelle bordée, l’aire de jeu est d’une telle immensité que je n’en vois pas le bout.
Mais mon anxiété est teintée d’enthousiasme, n’importe quel jeu d’arcade suscite alors l’émerveillement, mais là je suis face à autre chose, un de ces jeux hors-normes que je ne vois que trop rarement, à la mesure du choc que provoqua Galaxy Force II un an plus tôt.
Dans un saut de lumière, je quitte l’orbite du Soleil, pour rejoindre Mercure par une route qui me paraît idoine… Zone C comme couillon, ben voyons ! Mal m’en a pris mais j’arrive à me dépêtrer de cette mélasse, c’est alors qu’un son strident retenti, annonçant l’artillerie lourde – Alloy Lantern – j’appréhende ce moment tant le Boss est à la mesure de la borne, gigantesque, mais il ne fait guère long feu. « Trop simple » me dis-je, la bête de métal ouvre sa gueule, et surprise, je m’enfonce dans les entrailles du monstre. Un nouveau combat m’attend, bien moins évident, je défaille et cherche à trouver l’espace pour placer un décalage dans l’affreux 3-Ways Shot de mon nouvel opposant. Killer Higia semble sourire sous son étrange caquetage, il s’entrouvre, et c’est alors que partent quatre roquettes qui emportent mon crédit.
Je descends de la borne, jeune soldat mort au combat pour une énième juste cause aux confins d’une lointaine galaxie. Je rejoins mes parents dans le hall de l’aéroport d’Orly, je jette un dernier coup d’œil dans mon dos. Elle est bien entourée, accompagnée de son escorte musclée, coincée entre les mitrailleuses de Operation Thunderbolt et les gros bras de John Rambo et du Commandant. Je retiens son nom, DARIUS II, et cherche désespérément à retenir l’air de cette douce mélodie qui me transporta. J’apprendrai quelques années plus tard le nom du titre : MUSE VALLEY.
Sommaire
[A.D.1986 – 1989] Planet Blue
Gradius est sauvée des griffes de l’empereur Venom, les habitants de cette galaxie encensent les faits d’arme du Vic Viper, la paix règne. Mais dans bien d’autres systèmes, de nouvelles forces aiguisent leurs armes. En 1986 Konami se lance dans le développement de Gradius II. Mais au sein de l’équipe des dissensions vont naître au sujet du type de scrolling à adopter. Le jeu finira par alterner des niveaux à scrollings horizontaux et verticaux. Le titre développé en tout juste trois mois portera finalement le nom de Salamander. En dépit de son succès, les fans ne cessent d’assaillir Konami en réclamant une suite. Courant 87, l’équipe de Gradius II commence à plancher sur le projet, en jetant des idées sur le papier, le développement ne débutant réellement qu’en 1988. Le but étant de sortir et de présenter le jeu pour l’AOU SHOW 1988 afin qu’il bénéficie d’une grosse visibilité.
Mais la concurrence, elle, n’a pas attendu Konami pour occuper le terrain. Irem pointe le bout de son cockpit dès 1987 à bord du R-9 avec R-Type. De l’aveu même de ses développeurs, Gradius servira de base à R-Type, mais comme un négatif de ce dernier, comprendre que tout fut pensé pour ne pas évoquer le hit de Konami. C’est ainsi que l’équipe créera la Force, célèbre module rattaché au vaisseau dont le contrôle se base sur une stratégie mêlant attaque et défense, qui est l’idée motrice du gameplay. Seul le premier niveau évoque le stage final de Gradius, comme pour signifier que R-Type débute là où finit Gradius. Et chaque acteur du marché cherche à occuper le terrain.
En l’espace de quatre ans la production de shoot’em up double durant la période couvrant 1985 à 1989. Bien que l’imagerie SF soit encore très présente, les titres diversifient leurs environnements graphiques et leurs modes de représentation. Les Cute’em up, jeux aux univers loufoques, se font chaque jour plus présents (Fantasy Zone, Chuka Taisen, Insector X, …), les univers contemporains et militaristes avancent à pas cadencés (Twin Cobra, Ajax, Area 88, …), certains éditeurs puisent même dans le folklore mythologique (Legendary Wings, Phelios, …), et d’autres comme SEGA font d’un genre hybride, le Rail-Shooter, leur vitrine technologique (Space Harrier, After Burner, Galaxy Force). C’est dans ce contexte hautement concurrentiel que Darius II voit le jour.
[A.D. 1988] Say Papa
« On aimerait dès à présent réaliser cette suite. Cependant, en comparaison d’un développement standard, Darius a demandé environ trois fois plus de sprites, trois fois plus de temps de programmation, et tout simplement trois fois plus de temps pour le réaliser. Darius est un projet qui nous a réclamé énormément de temps […] La direction nous a demandé de réaliser une suite de Darius […] mais c’est bien évidemment tout simplement impossible. Beaucoup de questions restent encore en suspens, mais ça reste jouable […] Avant cela, on pense déjà à sortir une version alternative de Darius, mais pour être honnête, je ne sais même pas comment nous allons nous y prendre »
Ainsi s’exprime Takeki Nakamura, ingénieur hardware, l’année même de la sortie de Darius pour le magazine Gamest en 1986. Ce commentaire témoigne aussi bien du succès du titre en salle d’arcade que de l’impasse dans laquelle se retrouve l’équipe en fin de développement. Cette même problématique à laquelle est confrontée le staff de Gradius, pris entre le marteau et l’enclume, entre les directives de pontes et la demande insatiable des (déjà) fans de Gradius. La version alternative dont parle Takeki Nakamura, qui deviendra la Darius New & Extra Version, est alors une façon d’apporter de légers équilibrages en tenant compte des retours des joueuses/joueurs et des exploitants, afin surtout, de se laisser le temps d’envisager ce que pourrait être ce nouveau Darius.

Probablement, car autant Darius fut le fruit d’une génération de développeurs qui œuvra sur les premiers titres Taito, autant Darius II sonne l’arrivée de la nouvelle garde, celle-là même qui va faire sauter le moule trop conformiste duquel Taito aurait pu être prisonnier, celle qui va faire naître les nouvelles légendes du shoot’em’up.
Masami Kikuchi, Art Designer, est le seul transfuge du premier Darius, celui qui va faire l’union et maintenir l’unité graphique entre les deux titres. Sa direction artistique se caractérise par un grand souci du détail, la moindre parcelle de décor attire le regard par la retranscription maniaque des matières, des éléments et du moindre petit détail avec une minutie qui confine au travail d’orfèvre. Ce qui ne surprend guère quand on sait qu’il a travaillé sur l’ensemble des titres Widescreen Taito (Darius, Ninja Warriors, Darius II, Rastan Saga III). Un savoir-faire appréciable qui quelques années plus tard profitera à la majorité des titres tournant sur les cartes Taito F-3 (1993/1995).
Les nouveaux venus, en citant uniquement ceux qui nous intéressent, se nomment Hidehiro Fujiwara (Producteur/Game Designer) et Senba Takatsuna (Game Designer/Art Designer). Difficile de savoir ce que les deux hommes avaient en tête au moment de travailler sur Darius II, mais ils sont loin de manquer d’idées et ont surtout une vision plus moderne des shoot’em up. Tous les deux travailleront ensemble sur Gun Frontier en 1990, Takatsuna continuera son chemin dans les contrées lysergiques de Metal Black (1991), et Fujiwara complètera le tableau avec Darius Gaiden (1994). D’ailleurs une partie des programmeurs, notamment Akira Otsuki et Tatsuo Nakamura, seront quelques années plus tard en charge de la programmation de titres eux aussi entrés dans les annales : Rayforce (1993), Raystorm (1996) & G-Darius (1997).
Mais ce lien aux anciens reste une attache forte, car si l’on peut considérer Darius II comme le point de départ de la seconde génération des shootings Taito ; il est aussi important de noter qu’Hidehiro Fujiwara, le producteur, et bien d’autres firent aussi leurs armes sur Master Of Weapon aux côtés des pères de Darius. L’un de ses collègues sur cette production, Yukio Ishikawa (nb : connu sous son pseudonyme Yukio Abe) rendra hommage à ce même titre avec Rayforce en 1993.
Darius II va être à l’image de cette équipe, à la fois tributaire de l’héritage des pionniers de Taito, sans pour autant en être prisonnier. Car ces nouveaux concepteurs, explorateurs et défricheurs ont déjà le regard tourné vers le futur de cette grande saga(ia).
[A.D. 1989] Warning ! War Oh !
L’année est chargée, le R-9 revient pour casser du Bydo tandis que Gradius III débarque en se sous-titrant très modestement « De la légende au mythe ». On ne peut que sourire tant les deux titres deviennent surtout mythiques pour leur absurde difficulté et leur manque flagrant d’originalité en regard de leur illustre passé. Ces deux grandes licences, sans être forcément représentatives du shoot’em up en 1989, montrent surtout que certains s’enfoncent dans un nouveau carcan, l’élitisme, plutôt que de suivre l’air du temps : Fluidifier la prise en main et l’action sans pour autant sacrifier le challenge sur l’autel de la simplicité.
Capcom en a conscience lors de la sortie d’Area 88 cette même année. Il faut dire que la direction et ses développeurs vedettes (Yoshiki Okamoto, Noritaka Funamizu, …) sont à l’écoute des joueurs, des exploitants et des distributeurs à l’étranger. Bien avant les autres, ils prennent consciences que sans une vision moins étriquée du public arcade, les shooting games sont voués à progressivement disparaître. Mais qu’en est-il du côté de Taito ?
C’est probablement la question que se posent alors les exploitants de salles au sujet des bornes Wide Screen qui accueillirent Darius en 1986. Si Taito s’était engagé à soutenir son modèle auprès de ses clients, finalement seul Ninja Warriors verra le jour en 1987. Le jeu est certes aussi impressionnant, bien plus même que Darius, par la qualité de son graphisme et la taille respectable de ses sprites ; mais difficile à digérer pour un gérant de salle compte tenu du coût, de la taille d’une telle borne, et du peu de soutien du constructeur. D’autant plus que sur ce secteur, SEGA offre des alternatives intéressantes en proposant différents formats de ses dédiées (Upright, Deluxe, Super Deluxe) pour donner un large panel de choix aux opérateurs. Darius revient probablement sur le devant de la scène pour répondre à cette attente, relancer la machine, mais aussi plus simplement donner une suite au titre qui concurrença Gradius sur son terrain. Et même si d’autres éditeurs (Capcom, Toaplan, …) ont fourbi leurs armes depuis le milieu des années 80, Taito à une carte à jouer face aux suites en demi-teintes de ses deux principaux adversaires du moment : Konami et Irem.
OPENING ~ COIN
Lors de l’ouverture, c’est ce simple mouvement du plan qui saute aux yeux dès le premier niveau. On descend de l’espace en entrant dans l’atmosphère solaire. L’arrière-plan ondule légèrement pour mimer la chaleur et les masses gazeuse qui composent l’étoile mère, conférant l’illusion d’un horizon lointain. Et lorsque le premier boss surgit, au son du signal d’alerte, l’arrière-plan s’affole, les amas gazeux ondulent comme des flammes soufflées par le vent, tandis que le boss entre en scène.
On fait sauter le module qui apparait au côté du boss. Une série d’explosions, d’une sensationnelle intensité, soufflent Hyper Sting qui se scinde en blocs épars. A peine se remet-on de cette surenchère d’effets visuels, que le boss réapparait dans votre dos, le Silver Hawk pivote sur son axe pour à nouveau faire face à la menace. Hyper Sting implose à nouveau dans un déluge de feu et de flammes, le pilote quitte le soleil en se propulsant à la vitesse de la lumière. L’entrée est savoureuse, et le reste de la carte annonce le menu : Mercure, Venus, La Lune, La Terre, Mars et enfin la scène finale qui se déroule aux portes de Jupiter.
C’est saisissant, puissant et spectaculaire !
Après tout le Game Center est une jungle dans laquelle le plus fort doit survivre, et pour ferrer le poisson, les développeurs ont mis le paquet dès le premier niveau. Celui-là même qui tourne durant la démo, moment précis où la borne se doit d’hypnotiser le regard et faire sortir la monnaie. Un stage qui enflamme le regard comme, tiens donc, Gradius II en 1987 et Galaxy Force II en 1988. Ce premier niveau donne le ton. Darius II n’est pas une simple mise à jour graphique, il brise la monotonie qui caractérisait l’opus de 1986. Même si Hidehiro Fujiwara indique que les graphismes de hautes volées du 1er épisode étaient un bel atout :
« Avec Darius II, nous voulions conserver la même base de gameplay, et améliorer autant que possible la qualité des sprites et des graphismes, qui à mon sens, étaient les principaux arguments de vente de Darius ».
Outre le déluge pyrotechnique, le scrolling change régulièrement d’axe. Petit effet dramatique qui prend toute sa signification lors du survol d’une mégalopole en ruine, d’une vaste mer, ou des plaines rougeoyantes de Mars, laissant découvrir une faille béante donnant accès à de gigantesques complexes ennemis. Immensité renforcée par plusieurs scrollings parallaxes, astuce graphique, certes déjà très usitée à l’époque, mais qui a une toute autre allure sur une borne Wide Screen. On peut ainsi passer sur un seul niveau, de paysages laconiques, à de sombres cavernes avant de descendre dans le fond des mers, abattre le gardien des lieux, remonter de l’océan, puis quitter la stratosphère pour rejoindre l’espace et partir en direction d’une autre planète. Ce n’est pas encore le long plan séquence de Rayforce, mais l’idée d’unité et de cohérence de l’univers était déjà bien présente.
Les mid-boss apportent aussi un supplément de piment à l’action. Si le premier se gère sans grand souci, plus on avance dans le jeu et plus ils apparaissent dans des environnements à chaque fois mieux gardés et plus exigus. Le pinacle étant atteint lors de la dernière zone où vous devrez, en plus des ennemis, en gérer deux à la suite, tout en étant dotés d’une vitesse et de patterns décuplés. Leur allure ne nous est d’ailleurs pas inconnue, car c’est tout le bestiaire de Darius qui revient sous les traits de King Fossil, Fatty Glutton et bien d’autres.
Certains y verront un honteux recyclage, alors qu’il faut peut-être plutôt les apprécier comme des référents graphiques. Comme s’ils n’étaient de retour que pour mieux mettre en avant les nouveaux boss qui gagnent encore en taille, quand ils ne profitent pas de l’intégralité des écrans pour exposer leur immense démesure. Le Driosawn, serpent des mers spatiales, déploie toute l’étendue de son corps lorsqu’il vous fonce dessus ; le Yamato, croiseur de la 2nd Guerre Mondiale, échoué dans les décombres de la capitale nippone, impose sa silhouette massive dans ce paysage de désolation. A ce propos le designer Kato Hisakazu et son collègue H.Fujiwara nous expliquent le processus de création des boss.
Ainsi Kato indique :
« Nous devions prendre en compte le look de Darius 1er du nom, et nous devions aussi nous assurer d’unifier les designs, en sachant que plein de personnes différentes travaillaient sur les sprites. J’en ai moi-même dessiné un tas, dont pas mal de déchets. Je me souviens plus particulièrement de l’explosion nucléaire que j’avais réalisée… Il s’agissait d’un énorme champignon nucléaire qui couvrait la totalité des […] écrans, mais malheureusement c’est passé à la trappe ».
Fujiwara revient plus précisément sur les limites techniques, tout comme à l’absence de limites dès lors qu’il s’agissait de laisser voguer son imagination. Au sujet de la bombe : « C’était incroyablement détaillé, mais ça bouffait beaucoup trop de ressources ». Pour ensuite revenir plus précisément sur l’aspect créatif en lui-même :
« Le boss reprenant le design d’un bernard-l’ermite disposait à la base d’une coquille, mais là encore ça manquait d’impact. J’ai essayé plein de choses différentes, pour y apporter un peu de piment ; et j’ai finalement eu l’idée d’utiliser le croiseur Yamato afin d’en faire une partie de sa coquille. Je pense qu’il est important de ne pas rester prisonnier de son statut de programmeur dès qu’il s’agit de concevoir des ennemis. Il est préférable de laisser libre cours à son imagination.
En comparaison des boss, le sprite du Silver Hawk est petit. Le concept originel [du Silver Hawk] était si détaillé et si bien dessiné, que j’ai toujours eu quelques remords à ce propos. C’est de là que nous est venu l’idée de la « Mother Hawk », car je voulais montrer le design de ce vaisseau dans un format plus grand. De plus dans le concept originel du Silver Hawk, la partie haute du vaisseau (l’aileron) pouvait se détacher et attaquer les ennemis. On a fini par ne pas l’intégrer, donc je me suis dit qu’il fallait faire en sorte de la rajouter sur ce boss.
D’ailleurs, à propos de Bio Strong, le fœtus s’inspire de la séquence finale de 2001, l’Odyssée de l’espace. C’est aussi de là que proviennent les dalles grises en rotation, celles qui ressemblent au monolithe de 2001 »

Si les boss étaient de taille respectable dans Darius, ils gagnent considérablement en volume dans le second volet, et même les moins bigarrés bougent dans tous les sens pour mieux surprendre et pousser le joueur dans ses limites. C’est précisément dans ces sections que Darius II esquisse timidement ce qui fera la force des titres ultérieurs : déformations et expérimentations graphiques sur les arrières plans, mise en scène des environnements et des boss, patterns originaux, inédits et qui très souvent chercheront à vous coller de très près.
C’est pourquoi Darius II gagne légèrement en souplesse, en rendant les contrôles un poil plus vif même si une certaine lourdeur est encore de mise. Alors que les smart bomb se standardisent dans les shoot’em up, le jeu opte pour une solution saugrenue : viser des modules dispersés stratégiquement dans les niveaux pour enclencher une explosion. Certains peuvent s’avérer être des leurres amenant vers des culs de sacs. Cela va de la série de déflagrations au champignon nucléaire, très impactant sur le plan visuel, mais déroutant en sachant que la concurrence facilitait la chose. Possible que les développeurs aient opté pour cette solution bancale, à la fois pour se conformer aux codes en vigueur, tout en conservant un certain équilibre lors des affrontements de fins de niveaux.
L’équipe en charge du jeu ne semble pas encore prête à ouvrir les vannes de l’orgie destructrice, afin de préserver ce qui serait l’identité du 1er épisode, mais en ce qui concerne l’armement le joueur est servi. Et le Demo Mode de la borne en donne un avant-goût, avec un Silver Hawk pleine puissance déployant une volée de lasers aux formes géométriques, couvrant le tir frontal, qui se superpose à une balle de plasma d’une aguichante puissance visuelle. On met son crédit en y croyant mais la montée en puissance est bien réelle, visuelle, et bienvenue, car on nous donne enfin les moyens de contenir le flot avec un tir qui se déploie dans tous les sens, et rééquilibre le rapport de force en faveur des joueuses/joueurs.
Le tir frontal est évasif, sa hitbox est conséquente, et les lasers viennent en appui des missiles en traversant les éléments du décor. Idéalement ceci suppose de ne rater aucune formation bonus, ce qui est déjà moins évident lorsque le joueur est pris dans le feu de l’action. Une formation de fin de niveau permet ainsi de rattraper un raté. Mais comme pour Darius, les bonus auront encore une fâcheuse tendance à être mangés par le scrolling ou les décors. La frustration est toujours de mise, surtout lorsque vous y laisser votre peau puisque vous repartirez avec votre puissance initiale. Là aussi, il est possible de revenir dans la partie, mais d’une façon qui tient tant à la dextérité qu’à la bonne fortune. Ainsi, sur votre dernière vie, le jeu prévoit une formation, qui une fois abattue lâche un bonus permettant de décupler très rapidement sa puissance de feu. Dans les faits, on s’en sort rarement, mais il reste possible de remonter la pente. De fait, la brèche est ouverte, ou tout du moins les développeurs ont-ils l’idée d’une mécanique de come-back qui était tout sauf la norme à l’époque. Ce type de rééquilibrage ira même plus loin lorsque le jeu sortira des frontières japonaises.
SAGAIA
Gradius II, Darius II… Sagaia… Etait-ce une façon de se différencier, ou plutôt d’éviter le lapsus récurrent avec le jeu de Konami ? Toujours est-il qu’en occident, le jeu a bien foulé le sol dans nos contrées, mais dans des itérations pour le moins altérées. Certain(e)s d’entre vous ont certainement pu s’y essayer chez l’association d’Arcade parisienne, Coin Op Legacy, et qui présente quelques changements significatifs. Le nombre de stages ainsi que la durée des niveaux sont considérablement raccourcis, afin de certainement améliorer le roulement des utilisateurs devant la borne. L’ordre ainsi que la physionomie des niveaux ont aussi été revus, et les mid-boss ne font une apparition que dans le premier et dernier niveau. Globalement cette mouture se veut plus accessible que l’original, façon peut d’être de rééquilibrer le titre à destination des marchés occidentaux, voir même à la demande des distributeurs et des exploitants locaux.
En parlant des opérateurs, mais aussi de cette révision, cela va nous permettre de rebondir sur un point non abordé jusqu’à présent ; à savoir la simplification du scoring system avec Darius II. De fait, l’épisode de 1986 était clairement un jeu qui multipliait les opportunités de points bonus pour celles et ceux qui savaient en tirer le meilleur parti : formation bonus, multiples parties destructibles sur les boss, mais surtout un leeching très prononcé, trop prononcés, même beaucoup trop au goût des exploitants. Ainsi certaines parties de haut niveau pouvaient durer plus d’une heure, chose complètement insensée du point de vue de l’opérateur de salle, qui lui voulait voir du monde circuler et disons le sans ambages ; que tout ce petit beau monde crache la monnaie dans la fente. De fait Darius II supprime le leeching des boss, pour clairement se concentrer sur la destruction des formations bonus ; qui rappelons-le, rapporte 10 fois la valeur unitaire de l’ennemi type qui compose le banc d’assaillants. Le scoring devient ainsi plus accessible et lisible, ce qui n’enlève rien à la technicité de l’ensemble, car les formations qui rapportent le plus ne font qu’une passe sur les écrans. Écrans bien évidemment chargés et surchargés de formations, dans un tourbillon de pièges et de tirs, duquel vous tenterez désespérément de sortir la tête de l’eau.
Dans Darius II, ces formations sont toutefois construites, prévisibles, tout en tenant compte de l’évolution naturelle de votre armement. Dans Sagaia, cette construction ordonnée du flot vole en éclat. Ce qui tend à démontrer que la version occidentale, elle aussi sortie en 1989, a été montée à la va vite pour tenter de coller aux attentes et au niveau du public occidental. Cependant cette anarchie galopante, va donner lieu à une 2e version (plus rare) de notre Sagaia, où justement l’incohérence grouillante du flux ennemi devient la norme, où le chaos de ces dernières s’avère extrêmement vicieux et piégeur ; le tout sur fonds d’ennemis et boss sous dopamine crachant leur venin de tirs à une vitesse déconcertante. Oui, tout va plus vite et l’expérience s’avère ainsi bien plus intéressante pour les personnes en quête de nouveaux challenges. Et point intéressant, en regard de l’évolution de la série et en tenant compte de qui était aux manettes, certaines séquences ont un goût particulier et avant-gardiste :
Zone G : Un arrière plan ondulant sous acide à l’image de Metal Black et Darius Gaiden
Zone N : Un level design que l’on retrouvera quelques années plus tard dans certains les derniers niveaux de Metal Black et G-Darius.
Zone N : Une version alternative de Little Stripes dotés de pattern annonçant les lasers courbés qui deviendront l’une des marques de fabrique des shoots Taito F-3.
Zone I : Alors que cette zone est bordée d’un soleil couchant, à l’arrivée du boss, la nuit commence à tomber. Quelques années plus tard, Darius Gaiden reprendra l’idée.
JAMMING
Avec Darius II, Hisayoshi Ogura commence à affirmer le style de la série en rompant avec les expérimentations de Darius tout en continuant à proposer quelque chose d’inédit. La bande son est de fait plus mélodieuse, chaleureuse et enrobée dans une ambiance mystérieuse, comme l’écho lointain d’un son inconnu qui enveloppe le joueur dans une douce atmosphère musicale. Ogura veut toujours être dans la rupture, à l’opposé du son synthétique, électronique et trop intense qui caractérise les shoot’em’up des 80’s. Le compositeur établi systématiquement l’ossature de ses B.O. en partant de mots clés. Les clés du son Zuntata si je puis dire. Pour Darius ce fut le Big Bang, et les Enfants de Lumière (*) furent les mots qui donnèrent le-là dans Darius II. (*) Bible – Jean 12 : 36 « Croyez en la lumière, afin que vous soyez des enfants de lumière »
L’expression viendrait de la Bible, non pas qu’Hisayoshi Ogura soit porté sur la religion, mais tout du moins fascine-t-elle l’homme, peut-être car elle est l’écho des temps anciens, des croyances et des légendes, des espoirs de l’humanité aussi infondés soient-ils. Un travail qui fut loin d’être de tout repos pour le compositeur mais qui témoigne de son envie inextinguible de toujours pousser plus loin son univers musical (cf. Don Kotowski / vgm online.net) :
« Au moment où la production de Darius II débuta, j’étais complètement perdu. Devais-je donner suite à mon travail sur le jeu originel, ou faire quelque chose de complètement diffèrent ? En temps normal on garderait le thème principal, en écrivant quelques nouveaux morceaux en se disant que ça ferait le job… Mais je voulais vivre une nouvelle expérience, quelque chose qui serait musicalement risqué […] J’ai donc passé beaucoup de temps à définir le concept. […] En d’autres termes j’ai simplifié la musique afin qu’elle convoi des sentiments violents et fantastiques. […] J’ai apporté de la chaleur à mon son. Je n’arrive pas à bien vous le décrire, mais j’ai le sentiment d’avoir créé quelque chose qui contrastait avec le tempo mécanique et rapide des shoot’em’up, quelque chose qui tient d’une douce chaleur. »
Hisayoshi Ogura ne fait que suivre ses concepts, mais il dessine déjà les contours de son œuvre visionnaire, une vision qui pour le moment n’est encore qu’un rêve.
ALL CLEAR
Au premier abord Darius II peut sembler être une suite conventionnelle sans grands apports significatifs, afin de satisfaire le plus grand nombre. C’est ce que certain(e)s veulent bien y voir, pourtant à bien y creuser, on note que les développeurs ont commencé à faire bouger les lignes. Darius II commence à tracer la route que va prendre le nouveau hit de Taito ; se détachant subrepticement du modèle que fut Gradius en 1985, pour de plus en plus affirmer un style toujours plus personnel et inclassable. C’est ainsi qu’à l’orée des années 90 commencent à s’affirmer, se faire jour, l’identité visuelle si particulière des shoot’em’up Taito. Darius II, comme tout développement, est le fruit d’une équipe ; pourtant ce sont bien Senba Takatsuna et Hidehiro Fujiwara qui vont écrire et inscrire Darius dans le futur.
L’aventure continue !
EXODUS WAR – DARIUS A.D. 201 – DARIUS
VADIS WAR – VADIS A.D. 1652 – ?????? ??????
NEMESIS CRISIS – EARTH A.D. 2042 : ?????? ??????
GLORIA – U.N. SPACY A.D. 2120 : Les habitants de la Terre ont fini par atteindre les confins de la galaxie et ont commencé à coloniser planètes sur planètes dans d’autres systèmes solaires. L’une d’entre elle était Gloria. Semblable à la Terre, elle possédait d’énormes gisements d’or. Cette découverte fut le déclic pour une émigration massive vers cette planète, au point que certains arrivèrent les poches vides à cause du seul coût du voyage. Les émigrants finirent par adopter et développer un mode de vie similaire à celui qui avait court dans le vieil ouest américain du 19e siècle. Bien que pauvres, le marché de l’or aidait les habitants de Gloria à développer leurs compétences et leurs technologies, à tel point que nombre d’entre eux étaient de talentueux ingénieurs. Cependant ils n’étaient pas les seuls à convoiter les filons d’or. Les pirates de l’espace, plus connus sous le nom de Wild Lizards, envahirent la planète en décimant les villes ; et ceux qui survécurent furent asservis dans les mines d’or. Deux ingénieurs ayant réussi à échapper à ce triste sort, décident alors de lancer une contre-offensive en utilisant deux prototypes, nom de code : Gunship
SOLAR SYSTEM WAR – DARIUS A.D. 1813 – DARIUS II
RUSHING INTO NEXT ZONE : « TAITO-F’RONTIER »
BONUS : Design & Game Design of Darius II
Un grand merci à Seiryu6198 pour ses précieux échanges et partages d’informations.