Sur cette 2e partie du dossier, nous allons donner la parole aux développeurs, qui mieux que quiconque sont à même de décrire le défi à relever qu’a été G-Darius, en regard du déjà cultissime Darius Gaiden. Et ce sans compter le tournant qui s’opère, avec la standardisation de la 3D chez Taito et une direction qui cherche à infléchir le destin, pour tirer le meilleur parti de ses différentes pépinières à talents dans le domaine du STG. Une épreuve, pour un jeu, qui plus de 25 ans après sa sortie, continue à fasciner.
Sommaire
CG Darius
Taito venait d’annoncer son planning de projet pour l’année et il y était fait mention d’un « CG Darius« . Mon boss m’a demandé si je voulais en être le chef de projet. Il faut dire que tous les Game Design que j’avais soumis, depuis mon arrivée à Taito, étaient des shoot’em’up. Mais je n’avais jamais été en charge de créer quelque chose de cette envergure, et quand on m’a demandé de le faire, je ne savais pas si je devais considérer cela comme bénédiction ou une malédiction : ‘’Dois-je vraiment m’occuper d’un jeu Darius… ?’’ J’ai énormément cogité, mais j’ai fini par prendre mon courage à deux mains et répondu : ‘’Je vais le faire ! ’’ […] Je me souviens que notre responsable a envoyé en masse un mail en interne, afin de savoir qui voudrait travailler sur un nouveau jeu Darius ; et si je m’en souviens bien, seul toi (Hiroyuki Maruyama) et Osaka m’ont répondu […] Personne d’autre ne voulait le faire. Darius Gaiden était un titre particulièrement bien réalisé, j’imagine donc que la pression venait en partie de là. Et à cette époque, un shooting game horizontal, avec des images de synthèse en 3D, c’était comme naviguer en territoire inconnu et cela paraissait donc très difficile à réaliser
Abe Naomitsu a effectivement du courage, car il est peu dire, que peu sont ceux qui se bousculent à la porte ; au moment où le projet de l’une des licences iconiques de Taito se fait jour dans la tête des pontes.
A une époque charnière où le cap de la 3D devient inévitable (quel que soit le type de jeu concerné), surtout lorsque la concurrence a fait sien ce terrain dès 1993 ; qu’il s’agisse de SEGA (Virtua Fighter) ou encore Namco (Ridge Racer), qui prolongent dans leur lancée, l’expérience 3D sur les machines en vogues dans ce nouveau marché. Les responsables savent pertinemment que le STG fait partie intégrante de l’ADN de Taito, que l’entreprise regorge de gens ayant œuvrées sur nombre de classiques de l’Invaders House.
Et qu’il s’agit (peut-être) là de forcer le destin auprès des spécialistes maison, au prétexte du planning annuel des futurs projets. Une façon aussi de flairer les nouveaux talents, on pense notamment à Hiroyuki Maruyama, qui sera à l’origine quelques années plus tard de l’entreprise G-Rev et de nombres de classiques du shoot’em’up au début des années 2000 : Border Down, Under Defeat, Senko no Ronde…
Mais revenons à ce qui s’appelle encore « CG Darius » qui relève alors d’un double défi, succéder au déjà cultissime Darius Gaiden, mais aussi de réussir la mue de la 2D vers la 3D pour Darius, sans entacher l’héritage murement construit depuis 1986. Le projet aurait pourtant pu attirer et motiver les troupes, mais…
Je me disais que les postulants allaient affluer, mais pour une raison quelconque, ce ne fut pas le cas. Peut-être y avait-il de l’hésitation, ou bien le projet ne suscitait pas un profond intérêt. Difficile à dire.
Osaka nous a alors rejoint, ce qui nous a permis de consolider les spécifications du jeu, et je crois aussi me souvenir que le chara’ designer Toshihiro Fukui était aussi des nôtres. Chez Taito, même si votre jeu figurait dans le planning annuel, il fallait tout de même en faire une présentation au patron, et s’il ne l’approuvait pas, le projet ne pouvait pas démarrer.
Donc la 1ere chose, à laquelle nous avons dû nous atteler, consistait à fournir un planning des charges pour notre présentation en interne. En ce sens, j’ai demandé à nos designers de créer un film en CG à l’aide du logiciel LighWave, afin de montrer la façon dont nous allions imaginer les affrontements face aux boss. Une fois le feu vert obtenu, on a commencé à travailler sérieusement sur le projet.
Mais il ne s’appelait pas encore G-Darius à cette époque, mais en fait ‘’CG Darius’’. Par la suite, Takafumi Fujimoto et Katsuyuki Fujita ont rejoint l’équipe. Et nous étions donc, si je me souviens bien, cinq personnes au tout début
Si l’équipe est pour le moment réduite, elle se compose toutefois d’une base solide sur des postes essentiels.
Makoto Osaka, prend en charge le planning des tâches, le cahier des charges ; gère les aspects 2D du jeu, et aussi une partie du design des ennemis et boss. Hiroyuki Maruyama s’occupe d’une partie de la programmation, plus particulièrement sur les librairies (nb : collections de fonctions & modules liés à un thème donné) et de la création des boss. Auquel s’ajoute un futur collègue de travail (quelques années plus tard chez G-Rev) en la personne de Katsuyuki Fujita, affecté aussi à la programmation, la gestion des backgrounds, les phases de confrontations avec les boss et toutes les cutscenes, elles-mêmes gérées par le moteur du jeu. Takafumi Fujimoto vient renforcer l’équipe, en se concentrant essentiellement sur la base « programme » qui gère les boss.
Mais G-Darius est aussi le fruit d’une technologie, d’un gain d’expérience (dans les équipes en interne), qui fait suite au succès technique et critique de Raystorm. A la question de la relation qu’entretiennent les deux jeux et notamment les équipes respectives, Maruyama indique :
Le développement du FX System, une PCB de Taito cross-plateform Arcade/Playstation, réclamait un engagement et une complète attention de la part de l’entreprise. Pour tous ceux d’entre nous qui étaient éparpillés dans divers départements de développement, à présent, l’ambiance générale était à la coopération et au partage de toutes les technologies dont nous disposions.
Nous émanions tous de différentes équipes, et bien que nous ayons conservé le sens d’une saine compétition, j’avais dans le sentiment que nous allions tous dans le même sens pour que le FX System soit un succès […]
La réalisation de Raystorm a demandé beaucoup de temps, et G-Darius a fini par quelque peu empiéter sur le calendrier de Raystorm ; mais une fois ce dernier fini, une partie de cette équipe a rejoint celle de G-Darius. Et je pense que grâce à cela, nous avons été en mesure de partager certaines informations sur l’expérience acquise lors du développement de Raystorm. Et je suis presque sûr, que ce gain d’expérience a aussi été injecté dans Raycrisis.
Ce à quoi Osaka ajoute :
Après avoir établi la liaison avec le bureau d’Osaka, Otsuki se trouvait à Kamugaya et nous avons pu également commencer à échanger des informations avec eux. A présent tout le monde était sur la même longueur d’onde
Le site de Kamugaya n’est pas cité au hasard, car c’est celui-là même qui fut à l’origine du génialissime Rayforce ; mais ce site n’était pas pour autant une unité de production dédiée aux shoot’em’up sur la carte de Taito.
Le fait que cette équipe ait dû faire valoir son droit à produire autre chose que ce que réclamait la direction, mais aussi à regarder en chien de faïence les autres départements (Osaka, Chuo, Saitama,…) était à la fois bénéfique pour pousser le staff à rivaliser d’ingéniosité afin de créer des jeux uniques en leurs temps ; mais inversement contre-productif, vu qu’il n’existait au final que peu de communications entres ces pôles, ce qui empêchait de mutualiser les connaissances acquises sur les hardware de cette époque (Taito-F).
G-Darius va devenir le porte étendard de cette (ré)union, mais aussi la tête de proue d’un shoot’em’up qui se veut moderne, spectaculaire et en adéquation avec son temps.
Darius et nouvelles technologies
Utiliser le FX System était l’une des conditions préalables afin d’amorcer le développement, et qui disait FX System, disait portage sur Playstation. Ce qui nécessairement, supposait un design pour un écran solo […] Lorsque nous avons fait notre présentation au comité stratégique de la boîte, personne ne s’est opposé à une version avec un unique écran, mais une personne a fini par demander « Les jeux Darius ne sont-ils pas censé être des titres multi-écrans ? » Nous avons dit que nous allions creuser la question après la réunion (et un peu plus de boulot pour nous), ce que nous avons fait
Faisant suite aux propos d’Abe, Osaka approfondi le potentiel cas d’une version multi-screen et de ses contraintes techniques :
Une fois que nous avions commencé à prendre en considération cette idée, on voulait vraiment faire une version 2 écrans. Mais avec le FX System en stand alone, c’était impossible. Cela nous aurait encore demandé du temps supplémentaire, afin de faire un travail de recherche supplémentaire, quant à la possibilité de connecter 2 FX System via un port de communication. Mais à ce stade, le calendrier et la date butoir pour délivrer le jeu avaient été clairement définis, ce n’était donc pas tenable
Ce que nous avons proposé, était de prendre le standard horizontal d’une borne d’Arcade, et utiliser deux de ces écrans dans une résolution widescreen (16:9). Mais ce n’était pas suffisamment répandu en ces temps, et sans doute que se contenter d’utiliser 2 écrans 4/3 aurait été une option plus réaliste. Mais comme je vous le disais, cela n’a jamais abouti à cause des problématiques que cela générait avec le FX System et les questions de délais ; mais ces discussions nous avaient éventuellement amener à envisager un développement sur la borne Teatro 50EX (nb : une borne de très grande taille, dotée d’un large écran, à usage multiple et développé par Taito). Au demeurant, lors de la toute première réunion de G-Darius, je me souviens l’avoir vaguement décrit comme un jeu sur un seul écran, mais avec 3 écrans de profondeur visuelle… ! (Rires)
Avec la 3D, la vision toute en cinémascope de la fin des 80’s cède progressivement (pour ne pas dire pragmatiquement) sa place à une représentation plus usuelle en 4/3 ; dans la continuité de Darius Gaiden, qui n’en était pas moins spectaculaire par son usage judicieux d’astuces graphiques simulant une profondeur des champs, que la 3D est à même de rendre naturellement mais aussi de libérer des contraintes propres à la 2D. Paradoxalement, si la 3D libère le champ des horizons, l’équipe va inévitablement devoir relever de nouveaux défis.
Du visuel au gameplay, un audacieux défi
Eh bien, c’est un peu embarrassant de le dire en ces termes, et cela pourrait paraître déplacer vis-à-vis de nos collègues plus âgés, mais Taito n’était pas vraiment une compagnie très au fait de la technologie 3D. Il n’y avait pas vraiment eu de recherches dans le domaine. Donc l’idée était de faire un grand bond en avant et de pousser l’ensemble des compétences pour atteindre un bon niveau dans le domaine (…) Les « Maîtres de la 3D » [aka la team Densha de Go] y travaillaient déjà, mais pour le reste des autres équipes de développement, il fallait tout apprendre au sujet des CG (Computer Graphics), et du hardware de la PlayStation, en partant de zéro
T-Rex démo technique de la PS1 (1994)
Si Maruyama souligne l’audace du défi, outre la direction qui a posé (voir imposé) le projet aux équipes dans le planning des sorties ; il y aussi un enjeu économique pour les différents acteurs nippons sur le secteur de l’Arcade et des consoles de salon. Les difficultés à concevoir une PCB en interne, à même de gérer la 3D, va décider les équipes à se rabattre sur d’autres options, soit la Sega ST-V ou le système PlayStation.
Question qui sera vite tranchée, aux dires d’Osaka :
C’était une évidence, à cette époque que les titres issus de l’Arcade pouvaient être parfaitement portés sur la PlayStation. C’est pour cette raison que notre division a adopté le FX System, avec l’objectif 1er de faire des portages aisément, du fait de l’aspect cross-compatible [entre PCB & Console]
On aurait pu dire la même chose au sujet du Sega ST-V, mais certainement que les visites impromptues de Ken Kutaragi (nb: père fondateur de la PlayStation) chez Taito ont joué leur rôle, outre l’avis tranché de l’équipe au sujet du matériel de SEGA, à l’image des propos ironiques de Maruyama :
Cela m’avait surpris, [disons] que j’aurais compris [cette proposition] s’il s’agissait d’une carte Naomi/Dreamcast, mais là on parlait du ST-V…
Sega avait beau avoir une longueur d’avance en ces débuts des 90’s dans l’Arcade et la 3D, ce sont pourtant les cartes custom issues du hardware PlayStation ; son succès sur le marché console et la facilité du ‘’cross-plateform’’ qui oriente le choix du staff, ayant conscience du potentiel commercial au-delà du seul marché Arcade.
Un potentiel commercial qui émane aussi directement du potentiel artistique qu’amène dans son champs la 3D, tel que nous l’indique Abe :
Il est vrai que nous avons dû tout storyboarder. Je voulais que l’un des chara designer s’en occupe et vers la moitié du développement, ils s’en sont chargés. Mais au début tout le monde était beaucoup trop occupé. Donc Osaka-kun et moi-même avons bossé ensemble pour storyboarder chaque attaque [des boss], afin que reste de l’équipe soit sur la même longueur d’onde.
Dans tous les cas il n’y avait personne d’autre pour s’en occuper. J’ai aussi passé des heures à apprendre à utiliser Lightwave (nb : Logiciel d’infographie 3D). Cependant au sujet du design des stages, illustrer les documents de plannings dans les détails était beaucoup trop complexes pour mon degré de compétences artistiques […] Mais au début, il n’y avait pas d’autres solutions que de tout faire par soi-même
Si le document de planning était courant pour noter des idées de base, dans le cadre d’un futur développement ; le storyboard (au sens cinématographique du terme) va devenir un nouveau standard avec les jeux en 3D, même pour les plus Arcade d’entre eux.
Définir le déroulé d’un stage, savoir poser la caméra pour mettre en exergue le mouvement d’un stage, son immensité, ou le tumulte d’un affrontement face aux Huge Battleship ; tout en éclairant et découpant chaque séquence afin de créer une atmosphère et une dramaturgie propre à chaque stage.
C’est à la fois nouveau, sans l’être, car nombres de titres Taito convoyaient déjà une aura particulière par le biais de la scénographie des stages : Metal Black, Darius Gaiden, Rayforce…
Les idées se multiplient en dépit des contraintes, qui comme de coutumes poussent à ruser avec les inévitables limitations du hardware de l’époque, dixit Hasegawa :
La limitation du nombre de polygones sur la 1ere PlayStation était très stricte. Vous deviez exactement savoir le nombre de parties du modèle dont vous aviez besoin, afin de le retranscrire fidèlement, et que vous pourriez en quelque sorte ‘’fondre’’ avec les textures. C’était un difficile équilibre à trouver.
Tout comme Makoto précise :
Nous ne bénéficions que de 16 couleurs pour les textures, ce qui a aussi compliqué la création des arrière-plans. Mais d’un autre côté, la grosse avancée concernait la possibilité de façonner l’éclairage pour les séquences de boss. On s’est rendu compte que l’on pouvait véhiculer une ambiance de cette façon.
Et cela permet aussi d’essayer de nouvelles choses qui resteront en partie gravées dans l’ADN du jeu, comme l’explique Osaka :
Une nouvelle requête [de la direction] est tombée : « Après tout, on est maintenant à l’ère des CG, on veut donc que vous fassiez en sorte que l’on puisse tirer en direction de l’écran (nb : Tirer le long du z-axis, soit le champ de profondeur dans un environnement 3D). On a bien sûr creusé plusieurs pistes, afin de jauger ce qu’il était possible de faire. On a essayé de créer des affrontements de boss, de telle façon que ces derniers s’éloignent dans les profondeurs de l’écran ; et alors, votre vaisseau se tournait en direction du boss et le prenait pour cible, une vue à la 3e personne en somme… Mais on se préoccupait du fait qu’un tel gameplay ne collait pas vraiment avec ce que les gens pouvaient attendre d’un shoot’em’up conventionnel.
Et pourtant un vestige de cette idée restera bien dans l’introduction des boss, tout comme les phases de combats, cette lutte des idées face aux diverses contraintes, alimente peu à peu un jeu qui se modèle dans sa structure visuelle ; ainsi qu’en termes de gameplay, dans une forme de continuité et de nouveauté, de liberté pourrait-on dire, aux dires de Maruyama :
L’idée avec laquelle nous avons démarré était « Capturer n’importe quoi ». J’ai eu le sentiment que tout le monde était d’accord avec cette idée. Au sein de l’équipe, personne ne s’y est opposé ou même dit qu’il serait impossible de rendre capturable tous les ennemis
L’idée de capturer un ennemi et d’en faire son allié, avait quelque de chose de similaire quant au plaisir que l’on peut retirer de la pêche. De plus chaque « poisson qui mord à l’hameçon » avait des capacités propres et uniques. Je crois que c’est l’une des mécaniques que les joueurs ont le plus apprécié dans G-Darius.
Tout comme Abe réenchérit sur l’idée fondatrice du gameplay du jeu :
La chose la plus importante était de s’assurer que chacun des ennemis avaient individuellement une capacité ou un effet unique. J’ai souvenir d’avoir été impressionné par la qualité du résultat que nous avons réussi à obtenir ; et ce en regard du peu de temps dont nous disposions, pour bosser sur cet aspect du gameplay.
Dans les faits, l’idée n’est pas forcément si nouvelle que cela, puisqu’il il y a une filiation évidente avec une mécanique vaguement esquissée dans Darius Gaiden (via les mid-boss), qui l’ouvre à l’ensemble des ennemis présents dans le jeu, sans pour autant que tout ceci soit si explicite que cela.
Et ce en raison d’une certaine culture du Gaming japonais, propre à l’environnement des salles d’Arcade nippones sur lequel Abe nous apporte un éclairage :
On n’indiquait pas le détail du gameplay sur l’Instruction Card. Il y avait cette idée très forte au sein du groupe, que les joueurs devaient deviner le fonctionnement du système en jouant.
Je pense que les fans de STG, vous savez le genre de personnes qui aiment des titres tels que Metal Black, étaient tout à fait à même de deviner comment tout cela fonctionnait. Pour tous les autres, eh bien, désolé… On ne peut pas satisfaire tout le monde. Il y a toujours eu dans les Game Centers, cette culture qui fait que l’on apprend des autres, des joueurs les plus expérimentés en apprenant des astuces, des techniques et autres conseils de ces derniers. Et très naïvement, j’espérais qu’il se passerait la même chose avec G-Darius.
Mais s’il ne s’agissait que cela.
Création du ‘’Beam System’’
L’Alpha Beam et le système de Beam Counter, ces deux idées émanent des vieilles séries télévisées de Tokusatsu
Voilà ce que nous indique Osaka, car outre le bond technologique que représente G-Darius avec sa 3D totalement maîtrisée, les shoot’em’up sont aussi des jeux visuellement généreux, par leurs orgies d’effets pyrotechniques ; alors quoi de mieux que des batailles d’énormes Laser (Beam) dans le feu de l’action et face aux boss, afin de rajouter une couche de spectacle et d’explosivité à l’ensemble.
Cependant, l’objet va vite se complexifier (à tort ou à raison) afin de s’intégrer dans un système plus complexe qu’il n’y parait ; notamment au sujet de la mécanique de contre, propre aux affrontements de boss.
Si Abe laisse entendre, que le système de multiplicateur, affecté à l’Alpha Beam, fait écho (en partie) au scoring system de Raystorm ; Maruyama va tout même considérer que cette mécanique ne peut être totalement gratuite, et qu’elle suppose une implication quasi physique des joueuses & joueurs :
Je crois que l’idée nous est venue suite à quelque chose que j’ai évoqué lors d’une réunion : « N’est-ce pas un peu ennuyeux de se contenter de contrer le laser ennemi et gagner en appuyant sur un seul bouton ? Et pourquoi, ne pas plutôt faire en sorte de taper rapidement sur ce bouton ? »
L’une des choses qui est ressortie fut un ajustement qui nécessitait de le taper très rapidement. Je l’ai fait de telle manière à ce qu’il soit plus difficile de contrer le 1er laser du boss, mais à mesure que le combat avance, et que la vitesse de tir du boss s’amoindrit, il devient alors plus facile de le contrer.
J’ai réglé cet aspect du laser de telle façon, qu’il faut 16 pressions à la 1ere passe pour le contrer, mais après 2 ou 3 passes, vous avez uniquement besoin de 6 à 8 pressions. Afin de le signaler clairement aux joueurs, j’ai fait en sorte d’indiquer le nombre de pressions nécessaires, par le biais du nombre d’impulsions énergétiques (en forme de cônes) que l’on peut observer dans le laser
Cependant, il y avait un autre problème […] Si vous tapiez lentement, cela pouvait le faire, mais si tapiez sans interruption, [le programme] considérait cela comme une perte. Tant que vous continuiez à taper régulièrement, vous pouviez contrer n’importe quel boss. Mais comme je l’évoquais, au sujet des impulsions énergétiques, le problème était que nous n’avions pas une façon claire de le faire comprendre aux joueurs […]
L’Alpha et le Beta Beam est un problème qui m’a longtemps contrarié. Si vous enclenchez votre Beam dès le début et prenez le dessus, l’affrontement se finirait trop rapidement. D’un autre côté, si nous avions rendu la chose trop éreintante, personne n’aurait été en mesure d’y arriver. J’ai donc opté pour un compromis, faisant que la vitesse du tir laser des boss, diminue graduellement au cours de l’affrontement.
Vous voyez où je veux en venir, dans un combat, au fur et à mesure, vous finissez par vous épuisez. Ne pensez-vous pas qu’il fallait vivre une expérience similaire face à ces boss ? Malheureusement, cela a fini par ne pas être clairement communiquer aux joueurs, et ce n’est de la faute à personne…
L’idée de Maruyama est objectivement bonne dans son concept, quant à l’implication et la technicité que demande un contre, afin que ces affrontements en soient d’autant plus jouissifs. Mais la réalité, voir certaines contradictions, pour celles et ceux ayant fait l’expérience de G-Darius en « Manuel », tend à démontrer que les contres relèvent parfois de l’aléatoire. Surtout à compter de la 2nde moitié du jeu, ou les doubles laser et les Beta Beam sur les derniers boss, relèvent de l’impossible même dans une optique de pure survie.
C’est surtout lorsque que les Core Gamers vont se pencher sur le jeu, que les circuits d’autofires vont naturellement refaire surface dans une pure envie d’optimisation, afin de repousser les limites du scoring sur G-Darius. Car, sans pour le moment entrer dans le détail, les contres et leurs nombres en cours (et fin) de partie ont une importance considérable sur le score final.
Si Maruyama, considère qu’un contre gratuit enlève au charme de l’affrontement, pour autant les Core Gamers vont détourner ce concept ; non pas dans l’idée de prendre le dessus facilement, mais bien au contraire pour maximiser la destruction des divers appendices des boss (qui se regénèrent). Et la vraie difficulté sur les boss (qui le permettent) est au contraire de les économiser, afin de continuer un gratter un maximum de sous-parties grâce au Beam.
Si Maruyama, reconnait à demi-mot un défaut au système, il n’en reste pas moins réussi car les Core Gamers se le sont appropriés et en ont tiré le meilleur parti ; pour des affrontements dantesques de technicité et de sang-froid, tant la multiplicité des patterns, des séquences et pièges retords multiplient les passes d’armes dans un éblouissant spectacle meurtrier. Un système qui fonctionne et qui se perfectionnera quelques années plus tard, comme l’indique Abe :
Maruyama a plus tard crée Border Down et c’était fantastique. Je me souviens m’être dit : « Il l’a finalement perfectionné » (Rires).
De la perfection au perfectionnement, ce sont aussi les joueuses et joueurs, qui définissent un tel statut, en détaillant et décortiquant le fonds d’un jeu. Et G-Darius est de la trempe de ses grands titres, qui ont osé renouveler une formule, la faire évoluer en accord avec son temps, tout en perfectionnant les bases d’un système efficace et d’une grande richesse. Et c’est ce sur quoi nous allons prochainement revenir dans la suite de ce dossier consacré à G-Darius.
Sources
https://shmuplations.com/
https://x.com/VGDensetsu
https://darius.fandom.com/wiki/G-Darius
http://www.vgmonline.net/hisayoshiogurainterview/
Darius Odyssey Cosmic Voyager (2020, Taito & Strictly Limited)