« But no matter who wins, you win. » Pour sûr l’exploitant de salle devait s’attendre à s’en mettre plein les poches, et puis « WARNING : Don’t turn this page if you are expecting just another video game, DANGER, DANGER, DANGER ! ». Les expressions sont dithyrambiques, la typographie agressive, le catalogue est une succession d’accroche ravageuse à la gloire de la démesure du dernier né de SEGA : AFTER BURNER II.
Deux fois plus de vitesse, de sprites, de rotations à vous à vous en arracher les yeux et le cul du siège, lancé dans un Dogfight Supersonic. Le célèbre hérisson de la firme n’est pas encore des nôtres en 1987, mais son essence et celle qu’il consumera brûle déjà dans la post-combustion de ce feu d’énergie qu’est AFTER BURNER.
Après le dossier consacré à TEMPEST, nous revenons aujourd’hui avec un deuxième et dernier article qui a servi de trame à l’émission Coin Op Legacy dédiée à ce classique de SEGA. Pour le coup ce texte est un mix entre la version d’Olisan et la mienne, puisqu’à l’époque et en parallèle, A-M & Alex Pilot se concentraient sur SPACE ACE.
Cet article se compose à nouveau de photos émanant de mes archives personnelles, de l’émission dédiée au jeu, et nombre d’informations proviennent aussi de diverses traductions du site shmuplation.com
Sommaire
Sensations, Succès et Successions de hits !
Space Harrier, Hang-On, ou encore Outrun !!! C’est dans la succession de ces succès de hits, que SEGA cherche à prolonger sa gamme de Taikan Games (nb : Littéralement jeux à sensations). Le but est d’immerger le joueur dans l’univers du titre, de le mettre en situation, aussi bien sur le plan physique que ludique.
Il est vrai que ces bornes monumentales suscitent l’attention, font le show et permettent aux exploitant d’augmenter en parallèle la tarification. Les réussites de Hang-On et Outrun dans le milieu des années 80, deviennent alors les fers de lance de SEGA dans l’Arcade, et vont par la même donner un gros coup de boost à l’industrie. L’ancien directeur de SEGA, Akira Nagai, voit alors ces deux titres comme deux petites merveilles :
‘’Les ventes pour 1984 ont été d’environ 160 milliards de yens. À cette époque, nous avons commencé à gérer directement nos établissements et cela marquait aussi le début de nos bornes dédiées style Taikan. Il y avait Hang-On et le chef d’œuvre de Yu Suzuki : Out Run. [Ce jeu] était vraiment un titre incroyable pour son temps. Je crois me souvenir qu’il s’est vendu à 20 000 unités dans le monde. Suzuki a continué par la suite avec […] nombre d’autres jeux, mais on parle encore d’Out Run avec émerveillement. Avec les Taikan games, l’activité Arcade de Sega, qui était la moins performante niveau ventes, a progressivement commencé à croître […] Avec nos Taikan games, nous avons connu une période de croissance constante de 1985 à 1995.’’
Et de fait, il va laisser carte blanche à l’équipe de Yu Suzuki pour plancher sur le prochain Taikan Game de la boîte. Et la direction veut un hit ! Un jeu au succès immense et mondial sur le marché de l’Arcade. Tout ce beau monde va alors chercher un nouveau concept propice à l’action, tout en essayant de renouveler l’expérience du Taikan Game. On quitte la Fantasy Zone et les sports mécaniques, il est temps de passer à la vitesse supérieure !
Playing with the boys
Si le développement d’un jeu est avant tout le fruit d’un groupe d’individus. Et dans le cas de After Burner on parle d’une bonne dizaine de personnes. Mais un duo de choc se détache, tant ces deux noms sont indissociables des premiers gros hits de SEGA courant des 80’s.
Yu Suzuki (Producteur/Fondateur de SEGA AM-2) entre au tout début des années 80 chez Sega comme bien d’autres. Simple programmeur, ce dernier va faire des étincelles auprès de ses collègues et va très tôt se voir confier la direction d’un projet Arcade qui va par la suite devenir Hang-On, jeu qui va réellement lancer sa carrière, ainsi que toute la lignée des Taikan Games.
Ces derniers, caractérisés par des contrôles originaux, influent sur la direction de l’avatar contrôlé le joueur, mais aussi sur les mouvements de la borne elle-même. Question de réalisme selon l’intéressé, mais Yu Suzuki c’est aussi l’homme de la 3D. D’ailleurs même si au début des années 80, la technologie ne le permettait pas encore, il pensait déjà ses modèles de programmation et calculs afin qu’ils puissent gérer la 3D. De cela, va dériver la technologie Super Scaler qui atteignit son apogée à la fin des années 80, avant que la véritable 3D ne prenne le relai avec bien d’autres hits Arcade (toujours dirigés sous sa houlette) : Virtua Racing, Virtua Fighter, Daytona USA…
Dans le domaine de l’Arcade le nom de Suzuki est synonyme d’avant-garde, de prouesse et de grandiose ; car si son nom résonne encore aujourd’hui, c’est que ses Taikan Games ont été et resteront des machines à rêves.
Hiro, de son vrai nom Hiroshi Kawaguchi, est l’un des membres de la S.S.T Band (groupe officiel d’une partie des compositeurs SEGA). Amateur de guitare depuis sa prime enfance, puis musicien à ses heures perdues au lycée, il compose non seulement des morceaux sur son ordinateur personnel, mais s’amuse aussi à programmer des jeux.
Bien que passionné par le son, c’est pourtant en tant que programmeur qu’il entre chez Sega. Mais c’est au cours du développement de Hang-On que Yu Suzuki, connaissant le passif de Hiro, lui demande de prendre en charge les compositions du titre. Et il ne se quitteront pas de sitôt puisque les deux hommes vont par la suite collaborer à de nombreuses reprises sur d’autres projets (Space Harrier, Out Run, etc…).
Pour After Burner, outre un son puissant et dynamique, on sent derrière les compositions d’Hiro l’influence de Top Gun. Amusez-vous à réécouter par curiosité Danger Zone, Mighty Wings ou encore les compositions d’Harold Faltemeyer (Viper’s Dog Fight & Mig’s Dead Ahead) ; car il n’y a pas à douter que certaines sections musicales de la B.O. du classique de Tony Scott sont venues nourrir l’oreille musicale du principal concerné.
Highway to the danger zone
Le lancement du projet
‘’ A la fin du développement d’Outrun, on avait un peu de temps libre avant d’entamer un nouveau projet, mais une fois que l’on s’est lancé, nous étions très occupés. Pour After Burner, nous avions réuni à peu près la même équipe que sur Outrun, qui a été principalement réalisé par trois d’entre nous : Moi, Yu et Hiro pour la bande-son. Le fait qu’Outrun ait connu un gros succès a été indubitablement un élément primordial, mais After Burner a été lancé avec l’idée même qu’il s’agissait d’un gros Blockbuster. De fait, le développement a débuté dans le secret le plus total, tant en externe qu’en interne. Yu était censé bossé sur un projet appelé « Studio 128 », qui apparemment a entrainé d’autres choses dans son sillage, mais en tout état de cause, il s’agissait d’un projet confidentiel : Quasi personne n’était au courant chez Sega’’

Satoshi Mifune (programmeur) en cette année 1988, fait état de ce petit trio qui va être au cœur de nombreux hits de SEGA à l’identité marquée et qui marquera au fer rouge ce qui va devenir par la suite le pôle SEGA-AM2. Des prouesses technologiques, du fun immédiat sur fonds de sensations viscérales, et doté d’une imagerie et d’un Blue Sky qui sent bons les côtes ensoleillées du Florida Sunshine State. Tous les ingrédients qui nourrissent déjà la grande épopée Arcade de SEGA, continuent à mûrir et vont bientôt mettre le feu à un futur concentré d’adrénaline.
Yu Suzuki (Chef de projet) décrit ainsi des conditions de travail plus souple qu’à l’accoutumé, la direction ayant l’intelligence et l’instinct de lâcher la bride, afin que la créativité ses Mustangs puissent s’exprimer sans entraves :
« Je crois me souvenir que le développement de la version Arcade d’After Burner a débuté en Décembre 1986. Le process de planification pour ce jeu était complètement à l’opposé de ce que l’on faisait habituellement chez SEGA. En règle générale on débute avec un cahier des charges et on construit le jeu sur cette base, mais ici, nous avons plutôt fait cela à mesure que nous avancions. On a eu un tas d’idées et pleins d’autres choses qui nous sont venues, que nous souhaitions intégrées, puis nous avons choisi celles qui nous paraissaient les plus intéressantes en les testant directement. Je pense qu’il s’agissait d’un processus trop gourmand en temps. Par exemple, si nous avions trois manières différentes de faire quelque chose, eh bien… Nous testions chacune des trois options pour savoir qu’elle était la meilleure. Si deux idées nous paraissaient faire l’affaire, on revenait en arrière et reprenions une nouvelle fois le programme, même si personne ne savait vraiment où tout ceci allait nous mener. On avait bien quelque chose que l’on appelle un cahier des charges, mais il était vraiment très vague, et ne cessait de changer en fonction des besoins. »
« Deux autres gros événements ont eu lieu durant le développement d’After Burner. Tout d’abord, SEGA a choisi d’imposer des emplois du temps flexibles. Les pontes de SEGA nous ont dit qu’ils voulaient « un jeu qui explose tous les bénéfices réalisés jusqu’à présent », en réalisant que nous avions besoin de développer les jeux dans un environnement libre. Comprendre qu’ils ne tenteraient pas de garder un œil sur l’équipe comme dans une structure traditionnelle de travail. Grâce à After Burner, nous pouvions travailler en dehors du bureau, et ne pas tenir compte des horaires. Deuxièmement, ce fut le premier jeu réalisé avec un ordinateur personnel. Nous voulions prouver aux dirigeants de Sega que nous n’avions nul de besoin de coûteuses stations de travail pour faire notre jeu. On a donc conçu After Burner à partir d’un PC-98. On s’est bien amusé, mais plus que toute autre chose, je suis heureux que nous l’ayons fait ensemble ‘’
Inspirations et conceptions des stages
Si de l’autre côté du Pacifique, le Soft Power américain est tout aussi présent qu’en occident, l’industrie de l’anime est bien plus prégnante que dans d’autres parties du globe, car si comme l’indique Hiro (Compositeur) :
« Top Gun était très populaire à l’époque. Après avoir fini Out Run, nous n’étions guère préoccupés par le choix de thématique pour notre prochain jeu, qui mettrait ainsi en scène des dogfights ».
Pourtant Suzuki apporte une nuance intéressante quant aux premières influences du projet, bien que le pragmatisme ait vite pris le pas, d’un point vue marketing :
« Top Gun était l’une des influences, mais avant de voir le film, j’avais déjà en tête un jeu de ce type qui commençait à prendre forme dans mon esprit. Au début, je pensais plutôt à quelque chose dans le style de Laputa : Le Château dans le Ciel, avec ce rendu typique des anime de l’époque. Mais les Taikan Games de SEGA n’étaient pas uniquement vendus au Japon, mais aussi en Amérique, en Europe, en fait partout dans le monde. On a ainsi fini par changer d’avis et à penser aux avions de chasses, les F-14, reconnaissables par tout à chacun, quelque-soit votre nationalité. Les Américains, en particulier, préfèrent les univers réalistes à la fantaisie, contrairement au monde de l’animation que les Japonais ont plus tendance à apprécier »
La conception et le déroulé des stages suivent aussi cette logique, tout en étant encore inscrit dans le contexte de la Guerre Froide, qui avait encore cours en ces temps. Yu Suzuki précise ainsi :
« C’est un peu comme Rocky IV, je me disais que si je réalisais un jeu où la Russie serait l’ennemi à abattre du point de vue des USA, il se vendrait bien. Mais si j’utilisais un contexte réaliste, il m’aurait été difficile de tout lier, et j’ai fini par incorporer des images qui me passaient par la tête […] Je voulais montrer le Kremlin dans After Burner mais j’ai dû abandonner l’idée. De gros sprites de ce genre bouffaient beaucoup trop de mémoire, car il nous fallait dessiner plusieurs sprites sous différents angles. Un paysage ne nécessite qu’un seul sprite, mais même une seule et simple colonne réclame pas mal de travail. La scène d’atterrissage a aussi nécessité beaucoup de mémoire, mais elle s’exécute de façon automatique (à partir d’un point fixe), nous n’avions donc pas besoin de préparer un nombre conséquent de sprites pour réaliser ce passage. »
Ce qui fera aussi la légende d’After Burner est aussi tout cet art de la mise en scène : Phase décollage, ravitaillement en plein air et autres atterrissages en campement allié. Et qui pourtant ne seront gérer qu’avec des effets de zooms et une multitude de sprites uniques Scaler (nb : Effet de mise à échelle, afin de simuler la profondeur du champs visuel) que la SEGA X-Board est tout à fait à même de prendre en charge.
Outre le gain de mémoire, cela permet d’économiser un certain temps de travail sur la conception de sprites simplement en usant du zoom et de rotation pour donner consistance aux éléments qui composent et forment (par densité) les décors. Et c’est justement ces effets hors du commun (pour leur temps), qui vont aussi permettre à l’équipe de se faire plaisir, histoire que le jeu ait de l’impact, de l’énergie, de la gueule ! Ainsi Mifune explique :
« La première des choses à laquelle je me suis attelé fut de comprendre comment procéder aux rotations des sprites. Une fois que nous avions réalisé cette tâche, j’ai senti que nous avions déjà surmonté une épreuve […] On s’en est rendu compte à mesure que nous avancions, en essayant différentes petites astuces pour que ça paraisse cool. On a fini par arriver à ces grosses trainées qui remplissaient presque tout l’écran […] Nous avons réalisé la scène de ravitaillement pour apporter un peu de variété, et au cours de sa création, nous en sommes venus à vouloir concevoir une scène d’atterrissage. Yu disait qu’il voulait la scène telle qu’on la voit dans Top Gun, celle où une moto roule aux côtés d’un avion de chasse. On a donc ajouté la bécane, et avant que vous ne vous en rendiez compte, elle devient la moto d’Hang-On (rires), puis la Ferrari d’Outrun vient aussi vous faire un coucou »
Through the Fire
Ceinture de sécurité, turbulences et autres R360
Si After Burner impressionne encore aujourd’hui par sa démesure technique, sa folie destructrice shootée à l’adrénaline et à la vitesse, il faut un écrin à la mesure de cette superproduction. Et puisque l’argent n’est pas un problème pour la direction, et qu’il s’agit de prolonger la série de Homerun entamée depuis Hang-On. L’équipe va offrir une série de gamme pour la borne, pour le moins impressionnante et très étoffé. Et l’une d’elle entrera dans la légende, tant elle dépasse l’entendement (sur bien des aspects) comme le sous-entend Yu Suzuki :
‘’Le coût exact de son développement est bien sûr hautement confidentiel, donc je ne peux pas vraiment vous en parler. Mais vous pouvez être sûr qu’elle était incomparablement plus coûteuse qu’une borne standard. Il n’y a rien à ce jour de similaire : la carte, les roms, la borne en elle-même, on a dû tout revoir. Bien qu’en fait, partir sur quelque chose de totalement nouveau aurait relevé de l’impossible. D’une certaine façon nous avons réemployé quelques astuces. After Burner représentait une sorte d’accumulation d’innovations techniques. Dans Hang-On, les arrières plans étaient un petit peu vides, mais à compter de Out Run, nous sommes passés sur un nouveau système. Donc niveau technologie, c’était totalement autre chose par rapport à nos anciens Taikan Games, Space Harrier et Hang-On. La vérité est que, au moment du développement d’After Burner, je voulais déjà faire une borne à mouvement gyroscopique comme le R360’’
D’ailleurs la version initiale de la borne, dans la description qu’en donne Satoshi Mifune ; ne sera pas sans évoquer l’aspect de la version Super Deluxe de Galaxy Force II, jeu qui va prendre la suite technologique d’After Burner II :
‘’Le premier prototype que nous avons fabriqué, était tout juste composé d’une armature d’acier et d’un moniteur, mais dégageait un incroyable sentiment de puissance et on s’y sentait à l’aise. Mais il a été jugé trop dangereux, et on a dû revoir sa puissance à la baisse. Ce premier contact nous a marqué et a influencé la version définitive de la borne’’.
Puissance qui va vite revenir au galop, avec une deuxième version du jeu.
Mr le Président, le légendaire Macchi et manette à plein gaz
‘’Pour ce qui est de la commande de gaz, c’est quelque chose dont nous avons commencé à parler au milieu du développement du premier After Burner. Cependant, nous étions presque en train de finir le jeu, et ajouter la manette de vitesse aurait pu foutre en l’air l’équilibrage du titre. Le jeu est donc sorti sans cette option supplémentaire. Mais comme nous nous y attendions, l’impossibilité de réduire la vitesse rendait le titre trop ardu, et plein d’autres problèmes en rapport avec ce défaut nous sont apparus. Ainsi peu de temps après, nous avons décidé de sortir After Burner II, une sorte nouvelle de version qui renouvelait le gameplay et incluait la manette de gaz’’

Comme l’indique Hiro Kawaguchi, After Burner semble sortir dans la précipitation en dépit des largesses accordées par la direction. La légende veut que cette sortie avancée, soit le fait de la réaction enthousiaste du PDG de SEGA lors d’une visite impromptue au cours du développement. La sortie si rapprochée d’After Burner II corrobore l’idée d’une version Director’s Cut correspondant plus aux attentes de l’équipe de développement frustrée de cette première version inachevée.
Ainsi, lors de l’Attract Mode, le fait d’apercevoir une escadrille de Mig faire sauter le logo “I” afin de faire apparaître le nouveau logo “II” peut-être interpréter comme un petit clin d’œil à anecdote. Dans une interview donnée à Beep ! pour les 30 ans de Space Harrier, Suzuki évoque déjà les dispositions qu’il avait pris courant des 80’s, afin de pouvoir peaufiner les détails de ses futurs chefs-d’œuvre :
‘’Le Président Nakayama avait l’habitude de nous rendre visite de temps à autres dans nos bureaux. Le problème avec Mr Nakayama était que lorsqu’il voyait les graphismes finalisés d’un jeu, il disait que c’était bon et qu’il fallait tout de suite le sortir. Néanmoins, nous n’avions pas la possibilité de lui cacher le jeu et de ne pas lui montrer ce qu’il se passait dans les bureaux. J’ai donc décidé d’installer un petit interrupteur sous mon bureau […] Lorsque j’appuyais sur cet interrupteur, cela vidait la mémoire RAM contenant les couleurs sans pour autant que cela n’affecte le jeu. Il continuait à tourner, mais tous les coloris n’avaient ni queue, ni tête. Pour un profane, cela donnait l’impression que le jeu n’était pas finalisé’’
Bien que le Studio 128 ne se situait qu’à quelques pas des locaux principaux de SEGA, cela laissait donc plus de liberté à l’équipe à prendre des dispositions, afin que le secret de la production d’After Burner (et par la suite Power Drift) reste à l’abris des regards et surtout de Mr le Président. Un garde-fou est nommé en la personne de Masahiko Kobayashi. Hiro en garde un souvenir mémorable :
« D’habitudes lorsque que les locaux sont séparés, des groupes se forment, et les relations de travail peuvent en pâtir, mais dans notre cas elles sont toujours restées harmonieuses. Je pense que c’est parce que tout le monde était beaucoup trop occupé à discuter du légendaire Macchi, aka Masahiko Kobayashi […] Chaque fois que nous allions boire un coup, tous les sujets de conversations tournaient autour de Macchi. De nos jours il s’agit d’une personne tout à fait normale, mais à l’époque on se tapait des barres de rires. »
« Voici l’un de ses exploits. Yu demande à Macchi « C’est un projet top secret ! Tu ne laisses PERSONNE entrer dans le bureau de développement sans ma permission ». Bah, il a suivi ses ordres à la lettre… Un jour le Président de SEGA venait voir si tout se passait bien et Macchi lui a dit : « Désolé, sans permission vous ne pouvez pas entrer ». Et il l’a envoyé balader. Leurs échanges étaient à mourir de rire : « Désolé, je ne peux pas vous laisser passer », « Mais je suis le Président !!! », « Ah non, désolé ». Juste après Yu s’est pris un magnifique coup de semonce »

Est-ce ce coup de semonce du Président Nakayama qui aurait un lien avec la sortie avancée d’After Burner ? Et que l’histoire se répétera à nouveau avec une (encore) seconde version de Galaxy Force ? Finalement l’expérience, les bravades et ce travail d’un groupe qui va revenir s’arrimer au bateau mère, viendra à cimenter les fondements d’une nouvelle division : SEGA AM-2.
Mighty Wings
On insère le crédit, le ciel d’azur et un vaste océan vous accueille, tandis que sur la ligne d’horizon se dessine une ombre ; à mesure que l’on s’approche, un bâtiment de guerre siglé de l’emblématique logo de SEGA finit par vous faire face. Le Tomcat F-14 aux lignes acérées est centré sur le pont du porte-avion, les réacteurs crachent toute leur fureur, les volutes de fumées remplissent l’écran dans un bruit de fracas, décollage ! Vous voilà propulsez à toute allure dans After Burner II.

En quelques brèves secondes, le jeu fracasse l’œil par la puissance de son rendu, tout en relief et profondeur, mais aussi par l’indéniable intensité qui se dégage de cette brève séquence qui annonce un titre empli d’une fulgurante énergie, tout en vitesse. Le jeu va vite, très vite, trop vite… De quoi déconcerter lors des premières minutes, tant on a vite faite de perdre sa première vie, puis une deuxième, à une vitesse qui n’est pas s’en évoquer la vélocité du scrolling.
Scrolling qui ne se contente pas de défiler, mais qui tangue et peut vite partir en vrille à la vue des premier Mig-28 qui vous prennent en chasse. Et cet élément bénin, cette rotation des décors, qui rend les joutes aériennes particulièrement spectaculaires, a été l’un des principaux casse-têtes en début de développement. Sans cela After Burner n’aurait jamais eu un tel impact. Et cela se sent, tant par la consistance palpable des décors que la vitesse d’affichage qu’aucun titre du genre n’était alors en mesure d’égaler.

La folie du jeu tient aussi pour beaucoup à sa virtuosité, tenant aussi bien à sa somme d’effets pyrotechniques que les scénettes qui entrecoupent les missions. Cela va de la phase de décollage, au ravitaillement en plein air, l’atterrissage dans le campement allié ou encore la destruction des routes de ravitaillement ennemis. Même le moindre détail, telle la poussée des réacteurs à pleine puissance, un lâché de missile ou même le moindre crash et entrée en scène, transpirent par tous les pores du fuselage un indéniable charisme. After Burner II est BADASS !
Et c’est peu de le dire, car le jeu est sacrément méchant. S’il est facile à prendre en main, se contentant ainsi d’un manche doté de deux gâchettes (mitrailleuse & missiles) et d’un levier de poussé influent sur la vitesse du chasseur ; After Burner sait vous accueillir, ou plutôt vous cueillir dès les premiers instants.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, si l’on veut tenir sa partie, il faut savoir jouer de façon très méthodique, en anticipant au maximum les vagues ennemis et en se déplaçant par brefs à-coups ; car les violentes embardées auront surtout vite fait de vous envoyer valdinguer dans les décors. Le joueur se doit non seulement d’être vif mais aussi d’avoir un regard affuté, car si le jeu est généreux en joyeuseté visuelles, ces dernières ont aussi tendance à masquer la lisibilité et à rendre l’action particulièrement fouillis.
@Coin Op Legacy S1 EP3 : After Burner II, SEGA City Sitdown Ver. (Alex Pilot)
Et pourtant, paradoxalement, en dépit d’une telle somme de frustrations, on s’accroche. On en veut encore, la main accrochée au manche, l’autre agrippant à plein feu la manette de gaz, la tension montant à chaque passe, à chaque missile frôlant le fuselage de l’emblématique Tomcat F-14. On y est, on s’y croit, on gueule, on s’époumone, on en suinte, … C’est là l’expérience ultime qu’offre After Burner II, dans le bruit et la fureur, dans le tintement d’une petite pièce de monnaie, dans le temps d’un instant, l’instant d’un DOGFIGHT SUPERSONIC !!
Vous êtes là-haut avec les meilleurs, parmi les meilleurs ! AFTER BURNER II
Par les producteurs d’Outrun & Space Harrier,
Prochainement dans vos salles en Octobre 1987
Bonus Track : Mémoire photographique
Nouveau jeu de photos prises (par mes soins) lors du tournage en ce Lundi 12/11/2018. Pour une raison quelconque (certainement du fait d’A-M), l’écran et la platine avaient été démontées, au moment de l’installation pour la préparation du tournage. Il s’avère que d’un point de vue purement technique, certains petits problèmes ou simple check étaient fait la veille au soir, ou le jour même par A-M afin que tout roule.
Il s’avère que le tournage, un lundi soir donc, s’était avéré quelque peu fastidieux ; car la veille on sortait du tournage de Space Ace, et qu’en début de semaine (avec la journée de travail) on enchaînait sur le tournage d’After Burner II. Le montage et le découpage de Alex Pilot ont permis de rendre l’émission fluide, outre le fait que cette émission tourné en avance sur le planning (au cas où) a permis justement de tenir les délais à un moment plus délicat.
Sources
- www.shmuplations.com
- https://www.mobygames.com/game/arcade/after-burner-ii
- https://www.arcade-museum.com/game_detail.php?game_id=6822
- https://www.arcade-history.com/?n=after-burner-ii&page=detail&id=40
- https://flyers.arcade-museum.com/?page=thumbs&db=videodb&id=5176
- http://www.system16.com/hardware.php?id=698